I wanna be your dog
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le 14 mars 2018
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On avait laissé Samuel Benchetrit avec Asphalte sur une note poétique, on le retrouve avec une autre fable beaucoup moins lumineuse.
Chien est une expérience déstabilisante puisqu’on assiste à un travail de négation de l’humain et d’acceptation d'une nouvelle condition en deux temps.
Le film vient d’abord nous séduire par son humour dans lequel on reconnait le ton Benchetrit: le personnage de Jacques est complètement décalé effacé, il accepte sans broncher les pires crasses, se résigne et encaisse sans se débattre.
Déjà au départ il a ce regard plein de compassion et d’attente que peuvent avoir les chiens.
On se dit qu’assister à son réveil va être aussi jouissif que les gags de sa déchéance.
Et puis vient la scène pivot qui va nous faire basculer dans la seconde partie.
A l’inverse de ce qu’on pensait, Jacques ne se réveille pas en relevant la tête et en retrouvant l’humain en lui, non il accepte une dégradation de plus.
En acceptant d’aller chercher une baballe, il souffre physiquement, et le spectateur souffre mentalement de voir sa déchéance prendre une nouvelle dimension.
Lui ne semble pas sur le même fuseau émotionnel que nous.
La seconde partie du film est un calvaire: pas parce qu’elle est mauvaise, mais parce qu’elle est déstabilisante, malaisante.
Jacques ne se rebelle pas, il accepte avec la résignation d’un animal qui attend patiemment qu’on veuille bien s’occuper de lui.
En le voyant on imagine le chien qui attend encore sur le bord d’une route que ses maîtres fassent demi-tour après l’avoir abandonné.
On pensait voir un film sympathique et agréable, on se retrouve avec une chronique de la soumission consentie.
Au début on pouvait comprendre certaines réactions du héros, se dire que nous aussi il nous arrive parfois d’accepter quelques déconvenues, de faire le dos rond pour mieux se relever après l’orage.
Mais la suite vient nous remuer, et quand on en sort on est révolté, on se dit que non décidément il n’y a pas moyen, jamais on n’acceptera de se soumettre si c’est pour nier jusqu’à sa propre nature.
Sans vouloir apporter de jugement le film ne laisse pas indifférent, et même si on peut se dire que parfois ne pas se battre permet de limiter l’escalade d’ennuis, on a quand même du mal à se dire que s’oublier totalement est une alternative viable.
On démarre le film sans rien revendiquer et on se surprend à se découvrir des velléités contestataires.
Pourtant le film veut garder une porte ouverte, et offre une conclusion qu’on peut trouver positive.
On peut toujours penser que Jacques ne nie pas sa nature en devenant un chien, c’est peut être l’inverse: on attendait de voir l’homme se réveiller alors qu’il n’a peut être jamais eu d’autre ambition que de devenir un compagnon fidèle.
Vu sous cet angle, voilà qui nous renvoie dans nos 22: et si on s’était trompé depuis le début?
Si on n’avait pas su accepter la différence de Jacques? Après tout on accepte que des personnes choisissent de changer de prénom, de couleur de cheveux, de sexe, alors pourquoi pas changer de statut?
Pendant tout le film on a attendu qu’il se réveille sans comprendre qu’il était peut être justement en train de le faire, simplement pas dans le sens où on l’aurait souhaité.
En attendant cette histoire animale est très perturbante, elle vient heurter nos réflexes, met à mal nos habitudes face aux personnages.
Est-ce un bon film pour autant?
Difficile à dire, il y a d’excellents moments à côté desquels il serait dommage de passer, il y a cette prestation d’acteur totalement folle, et l’originalité du scénario.
Chien vaut le détour, au moins pour se rendre compte à quel point on peut être perturbé par un mode de pensée qui n’est pas le nôtre.
Il ne laisse pas indifférent et nous fait passer par tellement de stades de réflexion qu’on a bien du mal à faire le tri.
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le 14 mars 2018
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