Caniche.
En adaptant un roman en partie autobiographique de l’écrivain Romain Gary, la cinéaste québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette se lançait dans un projet que l’on peut aisément qualifier de casse-gueule...
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le 16 nov. 2022
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Après l’inoubliable La Déesse des mouches à feu (2020), grande était l’attente tournée vers la prochaine réalisation de la talentueuse Québécoise, à la fois écrivaine et cinéaste, Anaïs Barbeau-Lavalette (8 février 1979, Montréal - ). Portée par son histoire personnelle, et notamment celle de sa grand-mère maternelle, Suzanne Meloche, qu’elle n’a pas connue mais à laquelle elle avait consacrée l’un de ses romans, La Femme qui fuit (2017), la réalisatrice se tourne ici vers l’adaptation d’un texte autobiographique de Romain Gary, Chien blanc (1970).
En 1968, alors qu’il vivait aux Etats-Unis et se trouvait marié à l’actrice Jean Seberg (Kacey Rohls), rencontrée en 1959, l’auteur (Denis Ménochet) recueille un chien perdu, dont il ne tarde pas à découvrir qu’il s’agit d’un « chien blanc », chien dressé pour poursuivre et dévorer les esclaves noirs en fuite. Très engagée, auprès des Black Panthers, dans la lutte des Afro-descendants pour la reconnaissance de leurs droits, Jean Seberg exige que ce chien soit euthanasié. Alors que le pays s’embrase, suite à l’assassinat de Martin Luther King, l’écrivain tient tête et se lance dans un combat pour la préservation de cette vie d’une bête, quitte à tenter une forme de rééducation, avec la complicité d’un dresseur noir, Keys (K. C. Collins). Or, en échangeant avec Diego Gary (17 juillet 1962, Barcelone - ), l’enfant né de l’union de ce couple de célébrités, Anaïs Barbeau-Lavalette a acquis la quasi-certitude que sa propre grand-mère, également très active dans les luttes menées par les Afro-descendants, avait côtoyé Jean Seberg. Mais, loin de se laisser happer par le passé, la réalisatrice et scénariste enracine le récit dans l’Amérique contemporaine en faisant succéder aux images d’archives des années 70 les vues plus récentes liées au mouvement Black Lives Matter.
Secondée, à l’image, par Jonathan Decoste, qui était déjà directeur de la photographie dans son film précédent, la réalisatrice, également productrice associée, excelle à recueillir l’intensité, parfois le bonheur, d’autres fois l’horreur, d’instants suspendus : jeux du soleil dans les cheveux du petit Diego ou course éperdue d’une enfant noire poursuivie par l’un de ces affreux « chiens blancs »… Même art dans le choix et le point d’insertion de ses musiques, qui interviennent toujours comme la glose d’une émotion déjà née, et non comme les grossiers et poussifs catalyseurs d’une émotion réticente.
Qualités mises au service d’une sorte de radioscopie du couple et des tensions qui peuvent s’instaurer avec ses exigences propres : plus encore que l’infidélité, la tension générée avec la trajectoire de chacun de ses membres ; trajectoire professionnelle, trajectoire liée aux engagements et aux convictions… Comment un couple qui, de toute évidence, s’aime et se comprend, peut en venir à s’affronter, voire à se mordre, du fait des écartèlements ainsi créés.
Le grand mérite du film, fidèle à l’esprit du roman dont quelques passages, brefs et rares mais décisifs, sont lus en voix off, réside dans l’évitement de tout manichéisme, de toute dichotomie sommaire opposant de supposés camps que l’on voit encore si fréquemment et si volontiers, de nos jours, dressés les uns contre les autres. Invitant à la réflexion, à remettre en question les a priori et à prendre la mesure de la complexité du monde, ce nouveau film d’Anaïs Barbeau-Lavalette est avant tout une incitation à la vie et au mouvement vers l’autre, quelque « autre » que celui-ci puisse paraître. Exemple, dans une scène cruciale, cette réplique de l’auteur, riche d’enseignements et de prolongements, pour qui veut bien s’y risquer : « Mais si l’on pique ce chien parce qu’il est raciste, alors on doit tuer tous les racistes. Et puis après tous ceux qui ne pensent pas comme nous…? ». Une œuvre d’utilité publique, en ces temps où les étiquetages sommaires autorisent et attisent toutes les haines.
Critique également disponible sur Le Mag du Ciné : https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/chien-blanc-film-anais-barbeau-lavalette-avis-10069665/?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTEAAR317FJvZG2AcX8FwwQdY3c0gSufMPQHeGyVwAVgTWZ56BBHZ7BjgLbF9fI_aem_SC9BI8RhblUWudXthxYQ-Q
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Créée
le 20 juin 2024
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