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Child of God
5.8
Child of God

Film de James Franco (2014)

"L'Enfant de Dieu", c'est Lester Ballard. Différents narrateurs, en voix off, nous livrent le peu qu'ils savent à son sujet. Mais sa biographie nous intéresse finalement peu : dès les premières images, on sait que l'on a affaire à un attardé mental rejeté par le système politico-économico-social étatsunien des années 50. La scène d'ouverture nous montre la vente aux enchères de sa ferme : le personnage est sûrement incapable de l'exploiter correctement. Improductif, il est donc sans intérêt dans un monde où produire, c'est vivre.
Très vite, on apprend que Lester a fait un séjour à l'asile. On comprend la violence qu'il ne peut contenir. On comprend le manque d'éducation, qu'elle soit intellectuelle ou sociale. On comprend l'injustice qui l'entoure aussi. Car finalement, c'est parfois bien pratique d'avoir un attardé comme ça dans les parages, on peut l'accuser de tout...
Pendant tout le film, on va tourner autour de Lester Ballard, avec un sentiment mélangé d'empathie et de répulsion, d'émotion et de crainte. Une sympathie inévitable unit Lester à son public, à certains moments du moins. Mais cette sympathie n'est jamais pleine et entière, elle est toujours pondérée par quelque chose de plus sombre. On sympathise, mais on rejette. On sympathise mais on a peur.
Peur parce qu'il est imprévisible. Peur parce qu'on le voit s'enfoncer dans la violence. Peur parce qu'il n'a aucune notion des conséquences de ses actes.

Lester est un personnage immature. Un grand gamin avec des besoins d'hommes adultes et un fusil. Ses peluches donnent à sa cabane des airs de chambre d'enfants. Ses mensonges permanents lui confèrent l'aspect d'un gosse pris sur le fait et qui persiste à nier l'évidence.
Le cinéaste parvient à rester à la fois intime et extérieur. Nous assistons en témoin à ses actes, nous partageons notre temps avec lui, mais jamais nous ne pouvons pleinement le comprendre. Parce qu'entre lui et nous, il y a la barrière de la morale. Lester, en personnage inadapté, n'a pas la même notion de la morale. Il se situe en deçà du Bien et du Mal. Nous, spectateurs, sommes forcément gênés de le voir accomplir des actes que la morale réprouve. Cette frontière entre lui et nous est définitive. Elle empêche tout implication émotionnelle complète du spectateur.

Lester Ballard. Sa façon de baisser la tête et de lever les yeux, en un acte constant de défi. Son regard de bête sauvage. C'est d'ailleurs de cela qu'il s'agit : Lester quitte le monde des hommes pour s'enfoncer dans celui des animaux. Pour s'en assurer, il n'y a qu'à voir son parcours : de la ferme à la cabane aux milieu des bois, puis à la grotte. De la société des hommes vers l'isolement, puis la bestialité. Un chemin tout en régression. De l'homme à l'ours. Son attitude est tout aussi bestiale. Il faut le voir s'enfoncer dans un poulailler, tel un renard.

Adaptation d'un roman de Cormac McCarthy, Child of God reste un film très littéraire. Trop même, parfois. Le cinéaste a conservé une division en chapitres (est-ce la même que celle du roman ? Je ne le sais pas). Du texte apparaît à l'écran. Les voix off des narrateurs sont trop présentes, au début.
La dernière partie est parfois exagérée, excessive dans son propos. Mais le film est soutenu, à bout de bras, par la performance impressionnante de Scott Haze, juste terrible !
L'ensemble donne un film parfois maladroit, toujours désagréable, qui remue les tripes, mais qui parvient à nous accrocher.
[L'adaptation par James Franco du roman de Faulkner, de Bruit et de fureur, offre une certaine résonance avec ce film. Comme si le cinéaste voulait faire le portrait d'une Amérique dégénérée. Ce qui n'empêche pas que je trouve l'idée d'adapter Faulkner parfaitement ridicule]
SanFelice
7
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le 23 oct. 2014

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SanFelice

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