Je n'étais pas au courant qu'un remake de Jeu d'enfant se préparait, d'autant que la franchise originelle est toujours en cours. Le dernier volet, Le Retour de Chucky (Cult of Chucky en vo), remonte à seulement 2017. Malgré mon agacement vis à vis des remakes à tout va, malgré un réalisateur inconnu au bataillon, des premières critiques très mitigées et la laideur de l'affiche, j'ai décidé de tenter le coup (Merci la fête du cinéma !). Et bien m'en a pris. J'ai passé un très bon moment.


Commençons par le plus important : le traitement de la poupée tueuse. Certes il y a des changements notables mais j'y ai tout à fait adhéré. Passée la petite frustration de ne pas retrouver le visage si familier créé par Kevin Yagher, on va de bonnes idées en bonnes surprises.
Exit pour commencer Charles Lee Ray et donc Brad Dourif (après 7 films tout de même). C'est Mark Hamill qui reprend le flambeau et il s'en sort parfaitement bien. Il faut dire que celui-ci a déjà une solide expérience dans le domaine du doublage. Son travail sur la voix du Joker dans la série animée Batman avait été très apprécié.
Exit aussi le vaudou. Chucky (ils ont gardé le nom) n'est pas une poupée possédée mais un jouet high tech auquel un employé de l'usine, humilié et au bout du rouleau, a retiré tout inhibiteur de la carte mère avant de se donner la mort. Cette idée est excellente car, de base, Chucky est donc neutre et bienveillant, suivant son programme, mais il est totalement perméable et influençable par son environnement et ce sans limite, puisque toutes ses sécurités ont été enlevées. Ainsi son comportement violent émerge de ce qu'il voit ou de la façon dont on le traite. Il pense que tuer est amusant, un jeu, parce qu'il voit Andy et ses amis se bidonner devant Massacre à la tronçonneuse 2 et toutes ses actions, même les plus malveillantes, visent, pense-t-il, à faire plaisir à Andy. Et celui-ci, tout adolescent qu'il est, peste sur le chat, se plaint du copain de sa mère... Même le langage ordurier, si caractéristique de Chucky, trouve son origine dans ce qu'il entend dans son environnement immédiat.



Whao ! T'as le droit de dire ça ?



On tient là une réflexion bienvenue sur l'intelligence artificielle, qui m'a d'ailleurs fait penser au A.I. de Spielberg, puisque notre poupée Buddi (qui remplace ici les Brave Gars de l'original) est un peu comme si le David du film de 2001 n'était pas soumis aux trois lois de la robotique d'Asimov et répondait aux mauvais traitements qu'il subit par une violence mimétique. Cet aspect est très bien géré. Certaines critiques font également un parallèle entre les nouvelles bases de ce remake et la série Black Mirror (on pense notamment au dernier épisode de la saison 5, Rachel, Jack and Ashley Too). Je n'y trouve pour ma part rien à redire, d'autant qu'il ne s'agit pas de plagiat mais de questionnements dans l'air du temps.


Toujours en lien avec la série précitée, un autre élément appréciable réside dans le fait que la poupée est un objet connecté et peut donc interagir avec tous les objets de la même marque (Kaslan Corp) : télévisions, caméras, téléphones, thermostat, électroménager... Les scénaristes ne manquent pas d'intégrer pleinement cette idée lors des séquences de meurtres, leur donnant un regain d'originalité et justifiant quelques effets gores bien sentis. La domotique devient ici un piège infiniment mortel. Bon je vous rassure, Chucky manie quand même fréquemment le couteau.


On retrouve dans le film une critique de la société de consommation, du marketing (matraquage publicitaire) et des grandes firmes sans scrupules, ce qui est assez habituel dans le genre. La saga y était déjà allé frontal sur ces thèmes, notamment dans Chucky 3, ou l'entreprise qui a créé la poupée décide de la recommercialiser, malgré les événements survenus dans les deux premiers volets, par appât du gain. Le PDG de la boîte en était d'ailleurs la première victime.
Ici, outre le fait que l'entreprise n'hésite pas à mentir dans des communiqués publicitaires aseptisées pour ne pas écorner son image de marque, c'est surtout la séquence de générique du début qui est éloquente. L'usine de fabrication des poupées est située au Vietnam, où la main d'oeuvre est sous payée et traitée comme de la merde. On pense aux usines d'assemblage d'Apple délocalisées à Longhua, avec les conditions de travail exécrables qu'on ne peut plus faire semblant de ne pas connaître. Et c'est d'ailleurs d'un ouvrier brimé que partira le problème. Insulté et renvoyé par un petit chef, qui lui intime l'ordre de terminer la poupée en cours avant de vider les lieux, celui-ci désengage toutes les sécurités du jouet avant de sauter du toit de l'usine. Ça donne un chouette plan où la caméra passe du corps de l'ouvrier encastré sur le toit d'une voiture à une palette chargeant la funeste cargaison pour les Etats-Unis. Prends ça salope d'économie mondialisée ! Le discours ne brille pas par son originalité mais ça fait toujours plaisir.


Le film est également soutenu par un bon casting. Pas d'acteurs énervants à l'horizon. Gabriel Bateman, qui joue Andy, fait très bien le job et rend son personnage attachant. La dynamique avec sa bande de potes fonctionne bien et on constate avec plaisir qu'ils ont des comportements et un langage pas du tout lisse, fleurant bon les péloches des années 1980, sans que le côté référentiel ne soit trop appuyé (bref, on n'est pas dans Stranger Things).




  • La vache elle est bonne ta soeur !

  • C'est ma mère.

  • Eh bin elle est vachement bonne ta mère !



Le film n'est pas exempt de personnages caricaturaux inhérents au genre (le copain de la mère est un salopard, la voisine et son sergent de fils sont incroyablement bienveillants...) sans que cela ne soit problématique.


Child's Play version 2019 m'a donc largement convaincu. La seule remarque négative que je pourrai émettre serait peut être par rapport à la fin que j'ai trouvé un peu précipitée. L'action s'emballe et certains personnages disparaissent de manière rapide.
Il n'en reste pas moins que ce remake propose suffisamment de nouveaux éléments, bien amenés et bien gérés, pour lui permettre de se démarquer du reste de la saga, et même en devenir le meilleur opus, juste derrière l'original de Tom Holland. Ça faisait longtemps qu'un remake n'avait trouvé grâce à mes yeux. N'hésitez pas à aller y jeter un oeil.

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le 2 juil. 2019

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