Si Pinochet, Videla, Thatcher ou Pompidou sont vos idoles, vous feriez bien de ne pas lire plus avant. Pour les autres, voilà un documentaire qui fait penser à Santiago, Italia, ce film qui retraçait l'épopée de l'ambassade italienne à Santiago du Chili, à partir du 11 septembre 1973, assaillie par des candidats à l'exil craignant - avec raison - pour leur vie. Songez que le fleuve Mapocho charriait chaque jour les cadavres des opposants au coup d'état joyeusement zigouillés pendant la nuit par des militaires rendus euphoriques par leur trahison victorieuse. Dans le cas qui nous intéresse, l'ambassadeur français s'est retrouvé devant un dilemme vite résolu : devait-il accueillir ces malheureux malgré l'absence d'autorisation de sa hiérarchie ? Il ne s'est pas posé la question longtemps, malgré la politique généralement hostile au droit d'asile de notre pays, qui ne souhaite évidemment pas se retrouver trop mouillé, notamment quand il s'agit d'accorder sa protection à des militants de gauche. Pompidou, là dessus, était éminemment frileux, et ne voyait pas d'un si mauvais œil l'instauration d'un régime autoritaire, bafouant les droits humains, certes, mais de droite, dans une Amérique Latine qu'il devait considérer menacée par la tentation communiste. Cette inclination coupable que nombre de dirigeants européens partageaient devait laisser les coudées franches à l'épidémie de dictatures que le soulèvement des militaires chiliens inaugurait. Autant dire que je vois là une compromission coupable, qui va bien au-delà de la simple hypocrisie prudente. Mais bon, notre ambassadeur de l'époque, tout pétri des valeurs chrétiennes de son milieu (on pourrait revenir sur ce baiser fraternel entre le Pape et Pinochet, plus tard, qui a dû provoquer quelques picotements chez des chrétiens moins dogmatiques, politiquement parlant...) et son épouse ont préféré ouvrir leur porte et faire de notre ambassade un refuge contre la barbarie fasciste. C'est tout à leur honneur et les commentateurs de ce documentaire édifiant ne manquent pas de souligner les effets durables de cette prise de position courageuse, qui ont valu à la France une certaine réputation au bout du monde. Réputation dont tous les gouvernements postérieurs ont aimé se faire valoir, bien entendu. On est forcément tenté d'opposer le comportement plein de dignité de l'ambassadeur à ce qui se passe actuellement en matière d'immigration, et c'est un peu ce que fait ce documentaire en donnant la parole à une réfugiée chilienne qui travaille aujourd'hui dans le Ministère qui s'occupe de l'accueil des demandeurs d'asile, notamment syriens. Autant dire que ça n'est pas l'initiative du fonctionnaire français confronté à la junte chilienne qui fait monter le rouge aux joues...