Des années après la sortie du Chili par la valise diplomatique suédoise des bobines de La Bataille du Chili, Patricio Guzman revient dans son pays à la recherche des témoins de l'époque. Il les réunit autour de la projection de son film, pour collecter des noms et des histoires. Mais surtout, il pose la question de la mémoire, dans un pays déchiré par une guerre civile et bâillonné par des années d'une dictature impitoyable. Que reste-t-il quand les survivants ont passé 25 ans à se taire, à faire des efforts surhumains pour dépasser les traumatismes, à tenter d'oublier l'insupportable ? Une jeunesse amnésique, coupée de son histoire. Une ignorance d’État. Comme une chape de plomb. Car il faut bien vivre entre adversaires de jadis. Et parce qu'une guerre, ça fait toujours des perdants. Qu'on le veuille ou non, c'est la défaite de toute l'humanité, et un plongeon dans la barbarie. Mais le documentaire permet d'entrevoir une forme de rédemption, malgré tout, dans les larmes d'une jeunesse à qui il rend son patrimoine historique, et donc la fierté des aspirations de tout un peuple. La fin est juste déchirante, et suffirait à elle seule à réhabiliter notre malheureuse espèce.