Lorsque j’étais jeune ado, mon père nous ramena un jour la VHS de Les Plus Beaux Combats d’Arts Martiaux du Monde, sortie à l’époque chez René Château Vidéo. Une compilation de combats d’arts martiaux m’ayant permis d’aller au-delà de Jackie Chan et de découvrir des extraits de films tels que Duel to the Death, Eastern Condors, Shanghai Express ou encore L’Exorciste Chinois. Plein de bastons de films HK donc, et au milieu de tout ça, des extraits d’un film avec Cynthia Rothrock, Richard Norton, et un certain Keith Cooke dont la voix-off disait « qu’il était aussi rapide avec ses pieds que Bruce Lee l’était avec ses poings ». Oui, rien que ça. Les extraits étaient martialement en deçà des autres où Jackie Chan, Sammo Hung, Yuen Biao et les autres faisaient des merveilles, mais pour une série B ricaine, ça semblait plutôt tenir la route. J’étais curieux, mais dans les années 90, difficile de trouver ça quand ton Leclerc du coin ne te propose pas la VHS. Puis on oublie. Et un jour, au détour d’un site sur des vieilleries, on tombe dessus, et on se dit qu’il est temps, 30 ans après, de rattraper ce retard.


Cynthia Rothrock, c’est un excellent palmarès martial. La bougresse est tout de même cinq fois championne du monde de poumsé, une forme dans les arts martiaux coréens qui est un enchainement gestuel de techniques de combats, et en armes blanches. Elle est également six fois ceinture noire (Tang Soo Do, Tae Kwon Do, Eagle Claw, Wu Shu, Northern Shaolin, Pai Lum Tao Kung Fu). C’est lors d’une de ses démonstrations qu’elle est repérée par La Golden Harvest, mythique maison de production de Hong Kong, se retrouvant rapidement dans l’industrie cinématographique. On la voit pour la première fois dans Yes Madam ! (1985), sorti chez nous sous le titre Le Sens du Devoir 2, qui est un énorme succès. C’est le début d’une carrière plutôt prolifique à Hong Kong où elle va jouer dans des films tels que Shanghai Express (1986) de Sammo Hung, Magic Crystal (1986) de Wong Jing, Rigthing Wrongs (1986), Une Flic de Choc chez nous, de Corey Yuen, The Inspector Wears Skirts (1988) ou encore City Cops (1989) de Lau Kar-Wing. Elle devient une véritable star en Asie où elle continue à tourner jusqu’en 1993. Mais revenons à la fin des années 80 où la Golden Harvest décide de la lancer sur le territoire américain, son pays natal. Pour cela, ils font appel à Robert Clouse qui avait déjà lancé Bruce Lee aux States pas mal d’années auparavant avec le célèbre Opération Dragon (ainsi que la tentative ratée de faire la même chose avec Jackie Chan en 1985 avec le film Le Chinois). C’est ainsi que China O’Brien arrive aux States directement pour le marché vidéo. Pour épauler Cynthia dans cette affaire, on la fait accompagner par une autre tête connue des amateurs de peloches de castagne HK, à savoir l’acteur et artiste martial australien Richard Norton (Magic Crystal, Niki Larson, Shanghai Express) avec qui elle tournera de nombreux autres films par la suite, ainsi que le tout jeune Keith Cooke qu’on retrouvera par la suite dans les rôles de Reptile et Sub Zero dans respectivement Mortal Kombat et Mortal Kombat Annihilation. Le tout étant étudié comme une série B où tout sera prétexte à mettre en scène des combats où ce trio d’artistes martiaux pourra s’exprimer pleinement.


Elle s’appelle China, elle est policière. Lui s’appelle Matt, il a été dans les forces spéciales. Le petit jeune, c’est Dakota, et il a soif de vengeance. Ensemble, ils vont péter des gueules ! Voilà, c’est un beau résumé non ? Clairement, on voit très vite comment va se dérouler l’histoire. En à peine 15 minutes, on peut aisément deviner que le père de Cynthia va mourir, qu’elle va le venger avec ses deux potes, bisous, au revoir. Tout est très classique. Le film va d’un point A à un point B sans jamais dévier de sa trajectoire. En même temps, on n’en attend en général guère plus d’une série B d’action du genre. Mais il faut avouer que l’entre-deux scènes de bastons n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant, même si ces scènes sont parfois rigolotes tant elles versent dans le cliché à la limite du nanar. Cynthia est clairement plus à l’aise pour casser des dents que pour jouer la comédie, ce qui ne sert pas une histoire au final assez ringarde, très Amérique profonde, pas aidée par une réalisation aux forts relents de téléfilm. Clairement, Robert Clouse n’est pas un réalisateur qui déborde de talent, tout juste bon faiseur, et sa réalisation très plan-plan donne à China O’Brien de fortes allures de téléfilm. Autre reproche qu’on pourrait faire au film, où sont-ils allés chercher le costumier ? Les tenues vestimentaires de Cynthia Rothrock sont tout bonnement immondes, comme s’ils avaient volontairement choisi ce qui lui allait le moins. C’est un festival de fonds de stocks absolument dégueulasses dont personne ne voulait.


Mais dans l’absolu, tous ces problèmes-là, on s’en fiche un peu car China O’Brien est très généreux en matière de scènes de baston qui sont clairement dans le haut du panier de ce que le cinéma américain nous a offert à cette période. Même si on ne peut s’empêcher de penser que si le film avait été réalisé et chorégraphié par des gens tels que Corey Yuen, Sammo Hung ou encore Yuen Woo-Ping, ça aurait été une tuerie digne de ce nom, force est de constater que le résultat à l’écran est malgré tout très agréable. On sent vraiment que la Golden Harvest a voulu insuffler à ce film américain le style du cinéma de Hong Kong. On a même parfois l’impression de se trouver dans un film de Jackie Chan avec nos héros qui utilisent tout ce qui leur passe par la main, ainsi qu’une utilisation judicieuse des décors, pour distribuer de la tatane à des sbires souvent très nombreux. Richard Norton va être dans un style très « lourd », avec des lancers, des blocages ; Keith Cooke va être lui plus sec, avec beaucoup de coups de pieds, dans un style qu’on rapprocherait plus de celui d’un Donnie Yen ; Cynthia Rothrock va être plus dans l’acrobatie, la souplesse. Cette dernière est d’ailleurs doublée à plusieurs reprises et on sourit de l’allure de son doubleur, un petit mec avec une perruque blonde mal ajustée. Les combats nous proposent de très sympathiques enchainements, parfois donc filmés façon HK, avec plusieurs coups qui s’enchainent sans coupe. Parfois bien rapides (voire accélérés façon HK), principalement avec Richard Norton et Keth Cooke, on sent vraiment cette envie de reproduire ce qu’on a l’habitude de voir dans le cinéma d’action de Hong Kong des années 80. Le résultat est des plus agréable, bien qu’on ait parfois l’impression que les sbires en face attendent de prendre les coups. Keith Cooke, dans un de ses premiers rôles, se lâche complètement, volant parfois même la vedette aux deux autres : triple coup de pied sauté, coups de pieds retournés, cris bien énervés. Les combats sont nombreux et le film ne pêche que par l’absence d’un véritable gros combat contre un boss de fin puisque la menace du film est un vieux mafieux arrivant à peine à marcher. Mais ne boudons pas notre plaisir car dans le genre série B martiale américaine des années 80/90, China O’Brien fait clairement partie du haut du panier.


Grâce à son excellent trio de tête dont les capacités martiales ne sont plus à prouver, China O’Brien est un film qui se regarde uniquement pour ses nombreux combats réussis dans lesquels Cynthia Rothrock lève bien la gambette, Richard Norton semble toujours aussi cool, et Keith Cooke se prend pour Donnie Yen. Une série B bien troussée.


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cherycok
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le 25 janv. 2021

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