S’échapper ou affronter la réalité : un épisode tragique change des vies et les directions de celles-ci. Unis par un enfant, le couple de Christophe et d’Irène se détruit lorsque leur fils Hugo est assassiné. Chorus, film sorti en 2015 réalisé par François Delisle, nous montre les chemins pris par ses deux protagonistes et leurs retrouvailles dix ans après la disparition d’Hugo.
En sortant de la norme des couleurs, tourner un film actuel en noir et blanc est un parti pris esthétique signifiant. La couleur dans un film est un élément essentiel pour transmettre une atmosphère, des sensations ou des émotions ; le choix de le supprimer permet de donner une certaine liberté aux spectateurs. Par l’absence de dramatisation et de musique omniprésente, les émotions ne sont pas suscitées de manière forcée. Alors que les actes du criminel sont impardonnables, son apparition à l’écran n’est pas diabolisée. Son aveu ouvre le film en plan fixe, sans aucune coupure et sans aucun montage. La séquence d’ouverture est un élément essentiel au film car il s’agit de la raison pour laquelle Irène et Christophe se retrouvent. Tous ces choix esthétiques laissent le spectateur prendre de la distance et du recul, on ne s’identifie et on ne s’attache pas aux personnages ; cependant, le récit et le déroulement de l’histoire pose des questions sur le deuil, la séparation, la résilience…
Cette distance « imposée » entre le spectateur et le récit peut être considérée comme une mise en abyme et également une mise en condition. Les deux personnages se séparent de leur partenaire, de leur statut de parents, l’un d’eux se sépare même du pays. La disparition de leur enfant leur a enlevé le goût de vivre, l’envie de rester ensemble et de combattre le deuil. Ils restent même à l’écart de la mort de leur fils, ils ne veulent pas accepter le deuil. Faisant partie d’une chorale, Irène trouve une source de réconfort et d’évasion dans le chant. Avec des choix plus radicaux, Christophe se laisse éblouir par le soleil du Mexique. Se relever d’un épisode traumatique sans la présence de l’autre et sans soutien demande du temps. A l’aide de longs plans fixes, de légers mouvements de caméra et peu de montage, le film tire sur le temps. Le spectateur adopte une position particulière concernant le temps, il vit avec les protagonistes. Après avoir pris connaissance des conditions dans lesquelles leur fils a disparu, Christophe passe quelques jours avec Irène mais décide de retourner au Mexique, malgré tout ce qu’ils ont (re)vécu ensemble.
Comme Irène ou Christophe, les spectateurs ne savent pas quoi attendre du futur. La séparation des deux personnages est pleine de questionnements auxquelles s’ajoute une once d’espoir. Séparation à laquelle le spectateur participe passivement, sans pouvoir imaginer une suite à la vie de ces deux personnages. Revoir son ancien partenaire les a permis de confronter la réalité, et de se soutenir ensemble. Affronter les problèmes semble être la solution, solution qu’ils ont pourtant fuie durant tant d’années…