L'espérance de vie du désir n'est pas proportionnelle à la conscience de la nature contractuelle d'une relation éphémère. Emmanuel Mouret revient avec un nouveau récit sentimental, chargé de discussions aussi houleuses que sont les rapports intimes qu'entretiennent ses personnages, ivres de partager leur solitude, à défaut d'une passion. Après « Les Choses Qu'on Dit, Les Choses Qu'on Fait », nous pourrions nous dire que le cinéaste est loin de renouveler sa garde-robe, mais détrompons-nous. Son élan dramaturgie continue d'appeler au frisson et à cette légèreté qui détonne par sa candeur et une sincérité à fleur de peau.
Il faudra bien sûr compter sur la fidélité de Vincent Macaigne pour entreprendre des allers-retours entre les maladresses verbeuses de son personnage, Simon, et ses diverses escapades aux côtés de Charlotte, campée par une Sandrine Kiberlain pétillante. Que ce soit dans un bar, un appartement ou des lieux publics parisiens, le temps défilé au gré de leur relation, où l'amante est magnétique et où l'homme marié avance à reculons. C'est sur cet écart permanent que ces héros évoluent. Dans le même cadre ou dans la même valeur de plan, la mise en scène nous guide activement sur la distance que l'un prend sur l'autre et vice-versa. Il découle alors de délicieuses conversations, qui captivent pour leur simplicité et leurs analogies sur le cas de ces derniers, qui finissent par consacrer leur temps plein à sonder le regard de l'autre, dans un souffle de plaisir, mais également dans une complicité qui épate.
Ce qu'on a laissé en hors champs, ce sont les personnages secondaires, que l'on devine au fil de l'intrigue, qui préfère caresser l'essence du duo, prenant du recul sur un passé qui les hantent ou qui projette de les métamorphoser à nouveau. Le tout est de les voir se dépasser et d'accepter des sentiments, qui ont parfois besoin d'être partagés avec des mots simples, bien qu'ils soient difficiles à prononcer. Elle se trouve là toute la sensualité de leur histoire, ponctuée d'ellipse, comme si on nous invitait à explorer leur journal intime, jour après jour, de l'hiver à l'été. Les souvenirs se dépeuplent alors de leur présence et se vident de leur aura incandescente. C'est pourquoi l'écoute est le premier réconfort de l'œuvre, intentionnellement bavarde et particulièrement intelligente dans sa délicatesse, rappelant ainsi l'âge d'or de Woody Allen son verbe new-yorkais.
Le dialogue a tout de la drôlerie convenue et retenue, ce qui sert abondement le non-dit, où plusieurs émotions peuvent éclore en une scène. La démonstration est d’autant plus signifiante qu’elle est pertinente, dans ce portrait qui a tout du mélodrame lambda. Pourtant, les sentiments mutent aussi rapidement que le genre, qui trouve de nouvelles issues pour nous faire croire en l’inéluctabilité, en cette dernière et unique expérience, avec ou sans succès. « Chronique d'une liaison passagère » ouvre ainsi la parenthèse sur des enjeux modernes d'une passion, intentionnellement mise en quarantaine, le temps de refermer la parenthèse sur le silence de ses personnages, qui peuvent enfin sortir du cadre.