Avec Chronique d'une liaison passagère, Mouret livre presque l'inverse de son film précédent (Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait) qui multipliait les histoires d'amours, les personnages, les sous-intrigues. Ici il est d'une sobriété totale. Deux personnages (trois en réalité), une seule histoire, celle de la liaison du titre et c'est tout. Et pourtant thématiquement il en reste très proche puisqu'il pose la même question, celle du choix : faut-il quitter sa femme pour sa maîtresse ?
Mais cette fois il l'aborde sous l'angle du temps qui passe, car cette liaison est, comme le définissent les personnages, passagère. Il est prévu qu'elle aura une fin, les deux personnages le savent, il ne savent juste pas quand est-ce-qu'elle adviendra. En attendant ils profitent.
Mouret ne montre donc que ça, ici pas de vie de couple, uniquement des amants qui profitent d'être ensemble le temps que ça dure (l'inverse donc de Scènes de la vie conjugale de Bergman qui n'est quasiment qu’engueulades et qui est cité dans le film). On suit donc une succession de rendez-vous qui se passent quasiment tous étonnamment bien alors que Simon, joué par MacCaigne qui fait du MacCaigne, est un boulet comme c'est pas possible. Ce qui rend le film extrêmement gênant, mais aussi vraiment drôle à regarder. Enfin je dis regarder, mais j'ai passé la moitié du film à me cacher le visage pour ne pas être témoin de la maladresse du type, maladresse dont je ne pense pas être exempt.
Mais là où Mouret est fort c'est qu'il arrive, par la mise en scène, à nous montrer les fissures derrière les discours hédonistes des deux amants. On voit bien, notamment à travers un travelling avant absolument merveilleux sur le visage de Sandrine Kiberlain que quelque chose la trouble... qu'elle n'est pas aussi sereine qu'elle le prétend. Serait-ce de l'amour ? Et la puis la conversation reprend, comme si de rien n'était, mais nous spectateur, on a senti que quelque chose vient de se produire.
C'est ce qui donne à toute la fin du film un aspect tragique, ce qui devait n'être que joie s'est transformé en profonde mélancolie. Le film arrive à toucher juste, à comprendre ce que c'est que d'être amoureux et que de sentir d'avoir laissé passer sa chance, d'avoir été trop lent. Tout ça en devient juste touchant. MacCaigne est pathétique, il le sait, il le dit, mais il n'y peut rien, car quand on est amoureux, on l'est forcément un peu.
Parfois c'est peut-être mieux quand l'amour dure vraiment que le temps d'une chanson et ne tourmente pas avec des regrets l'amant éconduit pendant des années.
Bref, je dois dire que depuis Mouret n'a jamais été aussi bon que depuis qu'il confère à son cinéma un aspect plus dramatique.