1876, à la frontière mexicaine, un fort de l'US army, encore tout fumant de l'assaut incendiaire de la nuit précédente, est investi par un peloton de la cavalerie américaine. Il ne reste rien, ni habitations, ni âmes qui vivent. Les flammes ont tout dévoré et seuls subsistent une tombe anonyme et un Colt abandonné gisant à ses côtés.
La veille, une diligence transportant deux jeunes femmes, et un pistolero solitaire, Chuka, convoyant le véhicule dans ses dernières longueurs, pénétraient dans le fort américain pour y passer la nuit. La garnison est faible et peuplée de bras-cassés en expiation ; il n'y a pas un soldat qui n'est commis, tout au long de sa carrière, une faute suffisamment importante pour l'enterrer dans ce trou perdu au milieu de nul part. Le désert est suffoquant le jour, glacial la nuit et, hormis les quelques patrouilles qui s'y risquent frileusement, on y trouve aucune tunique bleue à des lieues à la ronde. Des indiens, rien que des indiens et le désert à pertes de vues. La paix avec les amérindiens est forte et bien acquise se plait à croire le chef du fort et ancien officier de sa Majesté le colonel Valois, dont l'aversion pour la vue d'une bouteille pleine a tout de suite plut à l'armée américaine. Pourtant la famine s'est emparée de leur ventre et la colère germe dans leur cœur. Bientôt, Chuka le dit, ils attaqueront et détruiront tout sur le passage. Aussi convient-il de quitter la garnison au plus vite et de laisser vivres et munitions aux indiens affamés. Mas ça, il en est évidemment hors de question pour le colonel Valois qui voit ici se présenter sa dernière chance de faire ses preuves et de tester sa lâcheté.
Si la trame est on ne peut plus classique (l'attaque d'un fort par les indiens et la défense acharnée de ses occupants), son développement l'est beaucoup moins. A la fin des années 60, le Western américain est un genre en déclin et en profonde remise en question tant sur sa forme que sur son fond. Peckinpah commençait à casser ses codes sur son propre terrain et Leone depuis les plaines sauvages de l'Espagne. Il ne manque en fait que les gros plans sur les gueules cassées et la musique stridente de Morricone pour en faire un western spaghetti. Adieu donc les grandes chevauchées, la magnificence des paysages du Grand Ouest Sauvage et l'héroïsme et la bravoure des cowboys d'antan. Chuka est un western psychologique et claustrophobe. A part une incursion dans le désert et le camp des indiens, la caméra ne quitte jamais l'enceinte du fort et les états d'âme de ses locataires : la honte et la volonté de se racheter pour les uns, les remords sentimentaux d'une solitude trop longue pour les autres, chacun est d'abord prisonnier de lui-même avant d'être celui de la nature hostile environnante. Une mutinerie se montera, des bagarres éclaterons et des amours trop longtemps enfouis se réveilleront si bien que finalement, le mal est déjà fait bien avant le raid fatal des indiens.
Le film est vraiment loin d'être mauvais donc et baigne dans une ambiance angoissante très prenante. La mise en scène est à ce point centrée sur les personnages qu'on ne saurait dire à quel moment se déroule le film (depuis combien de temps sont-ils dans le fort) ni même s'il fait jour ou nuit (les nuits américaines criardes n'aident pas c'est vrai). Malheureusement le climat franchement oppressant du début se délite peu à peu après trente minutes de film au fur et à mesure que les tensions apparaissent et laisse la radicalité qui en faisait un objet intéressant céder le pas à une forme de fainéantise vraiment regrettable.
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