Un paradoxe savoureux sous-tend l’édifice de Cigognes & Cie : revisiter de manière satirique le monde de l’entreprise et de la livraison à domicile tout en adoptant une vitesse d’exécution de même cadence où tout file à deux mille à l’heure sans que nous n’ayons le temps de placer un ouf, de nous accrocher à des situations – ou aux personnages qui les animent –, d’y engouffrer notre émotion. Alors l’animation est très soignée et livre des plans plutôt inspirés, certes. Mais image sans langage ne vaut que peu, surtout quand le verbe s’avère à ce point inaudible : ça crie ça se dispute ça se réconcilie, ça braille dans tous les sens et nous ne savons plus où donner de la tête (de l’oreille ?). Défi lancé aux nerfs, même aux plus patients, le film gesticule, saute d’un lieu à un autre, sillonne les ciels, évite les avions, tombe sur le sol après avoir percuté vélos et écureuils.
À prendre ainsi les enfants pour des mioches épileptiques dont l’attention a besoin d’être constamment renouvelée par le mouvement de ce qu’ils ont sous les yeux, Cigognes & Cie fonce tête baissée dans les travers de la société contemporaine qu’il prétend dénoncer. Récit pauvre, personnages creux mais belles images. On n’est pas des cigognes !