A travers le PRISM de Laura Poitras.
« Citizenfour » ne cherche pas à expliquer le fonctionnement de l’espionnage systématique massif mis en place par la NSA et le gouvernement américain. Il ne cherche pas non plus à condamner et à produire des preuves à charges contre les différents acteurs de ce système. « Citizenfour » est en fait le film de quelques jours d’une vie. Ces jours sont ceux, cruciaux, qui entourent la révélation du scandale, de la rencontre avec les journalistes à l’asile diplomatique en Russie. Cette vie c’est principalement celle d’Edward Snowden, un peu celle de Laura Poitras, la documentariste, et de quelques journalistes en particulier Glenn Greenwald.
Laura Poitras filme donc sa rencontre avec Edward Snowden, la rencontre de ce dernier et de Glenn Greenwald, le dialogue qui s’instaure dans une chambre d’hôtel de Hong-Kong, les explications plus ou moins détaillées du système, le choix de ce qu’on révèle ou non, immédiatement ou plus tard, quelle stratégie adopter, etc. C'est un film d’espionnage auquel on assiste sauf que ce n’est pas une fiction, c’est la réalité. C’est vraiment captivant à suivre. Pas pour ce qu’on apprend de l’affaire (à vrai dire on apprend rien de précis ou qu’on ne sache déjà si on a vaguement suivi les infos à l’époque) mais pour les personnes que l’on suit, pour l’humain, pour les discussions, le modus operandi, les choix pris et le pourquoi de ces choix. Même le choix de se raser la barbe ou non, de répondre au téléphone qui sonne ou non, choix qui sont assez anecdotiques comparés à l’extraordinaire de la situation et l’extrême sensibilité des informations dans les mains de ces personnes, même ces petites décisions donc, deviennent intéressantes. Il y a également un grand moment de tension avec une alarme incendie qui nous fait un peu rire jaune entre incrédulité et angoisse.
Malgré tout, face à ce documentaire, je suis un peu méfiant. On a ici un documentaire « cinéma vérité » et je ne mets pas en doute que ce que l’on voit ce soit passé réellement. Ce qui m’interroge en revanche c’est l’objectivité. Edward Snowden a ici le rôle du whistleblower, comprenez lanceur d’alerte, grande âme, qui se sacrifie au nom de valeurs supérieures et de l’intérêt commun, qui ne cache pas son identité pour que ces actes ne retombent pas sur d’autres personnes, qui est prêt à quitter sa vie, sa famille, sa petite amie, etc. sans peut-être l’espoir de les revoir. Alors soit c’est un homme d’une éthique et d'une force de caractère assez extraordinaire, et c’est peut être le cas, soit ce portrait est biaisé que ce soit le choix des rushs et le montage de Laura Poitras ou bien lui qui se donne ce rôle et cette image (c’est un homme intelligent à n’en pas douter mais ne cache-t-il pas aussi un besoin de reconnaissance, une envie de célébrité ?). Ou peut-être est-ce même un peu des deux ?
En tout cas, ça n’en reste pas moins palpitant à suivre.