Ça n'est pas que ça démérite complètement, mais de gros défauts empêchent les quelques qualités d'emporter le morceau. Je m'explique : le scénario a soigné la structure temporelle en télescopant différentes époques, afin que nous puissions nous emparer de cette intrigue complexe petit à petit. Quand nous sommes prêts à une nouvelle révélation, une porte s'ouvre et une scène vient éclairer un aspect d'une lumière inédite. Il faut ça, parce que tout asséné d'un coup, ça ferait l'effet d'un parachutage de mammouth. Il faut dire que, même pour un américain, le burger est chargé : une couche de rap, une couche de gang, une couche de police, une couche de politique, une couche de corruption, une couche de racisme et une couche de relations interpersonnelles difficiles, c'était roboratif, comme programme. Donc les auteurs ont pris le parti raisonnable de déconstruire la narration. Un bon point. Et ça n'est pas si mal fait. Enfin, ça permet de suivre globalement, parce que je ne vais pas vous dire que j'ai l'organigramme complet des services de police de Californie tout bien dessiné dans ma tête après les deux heures de visionnage de cette histoire tout embrouillée. Mais bon, j'ai une image assez claire de la corruption, des expédients, du laisser aller, du laisser faire ou des rodomontades des uns et des autres dans cette histoire lamentable de zigouillage de deux stars du rap, et j'ai le sentiment que c'est ce qui compte. Après, il y a les personnages principaux, un flic incorruptible mis au ban de son institution et un journaliste qui ne vaut guère mieux. Il ne fait pas bon poursuivre la vérité en Californie, semble-t-il. Les ressorts sont toujours les mêmes : de braves gens tentent de remettre un peu de dignité dans un secteur complètement gangrené par le fric, la violence et le mépris qu'on se sent le droit d'éprouver envers qui semble différent. Il va sans dire que dans le cas qui nous occupe, ce sont les Noirs qui font les frais de cette jolie propension à écrabouiller le plus faible. Ils ont beau faire de la muscu, se faire tatouer, se baigner dans des rivières d'argent sale, plaquer d'or leurs dents ou écrire des textes au vitriol, ils sont toujours les dindons de la farce et la troupe des sadiques rigolards a toujours le dessus, parce qu'elle a fait les bons choix : l'uniforme ou n'importe quelle autorité qui hérisserait le poil de Lisbeth Salander, qui s'y connaît en abus de pouvoir. Total, des deux côtés on commet les mêmes exactions, mais les plus malins se serrent les coudes et s'en tirent bien mieux, parce qu'ils détournent les institutions, trop fragiles pour ne pas collaborer à ce déséquilibre sans fin. Le pot de terre est condamné à la solitude ou à l'alcoolisme, à la dépression dans tous les cas, et cette histoire ne déroge pas non plus à cette règle-là. Tout était bien trop balisé pour faire de la place au suspense, hélas. Quant au numéro d'acteur de Johnny Depp, je me garderai de l'applaudir, parce qu'il ne consiste qu'à arrêter de faire le zozo avec les postiches et les mimiques qui le gâchent complètement dans la plupart de ses apparitions à l'écran; pas de quoi casser trois pattes à un canard, donc.

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le 12 oct. 2022

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