La matière est là, évidente, immense, dans une ancienne ville minière prospère aujourd'hui presque abandonnée. Une ville fantôme située en Géorgie occidentale, Chiatura, dans laquelle les vestiges d'une gloire passée, à l'époque où elle assurait 50% de la production mondiale de manganèse, ne sont quasiment pas visibles. C'est une ville grise, terne, peuplée de bâtiments délabrés et voie de démolition. L'activité dans les mines n'a pas totalement disparu, comme en témoigne quelques séquences en immersion dans ces profondeurs, mais on voit très vite qu'il n'y a pas d'éclat, simplement quelques souvenirs d'un passé meilleur.
Pourtant, c'est la déception qui domine en sortant de City of the Sun, car la sensation d'être passé à côté de quelque chose de génial est tenace. Un peu comme si Rati Oneli avait trop hésité à investir un sujet précis et s'était perdu dans les différentes pistes explorées (ainsi qu'un excès de stylisation). Le portrait dressé de quelques-uns de ses derniers habitants semble trop distancié, entre le professeur de musique et l'acteur de théâtre qui ont, comme beaucoup d'autres, une double vie du côté des travaux manuels, dans la mine ou sur des chantiers de déconstruction. On voit bien la perspective, la ligne d'horizon dessinée au loin : les deux jeunes athlètes qui s'entraînent dans un immense stade désaffecté, on l'apprend vite, ne peuvent pas manger à leur faim (un seul repas par jour) et ne pourront donc pas être à la hauteur pour les prochains jeux olympiques. Le message est assez clair, en contraste avec le titre : le soleil n'est pas près de briller sur cette région murée dans la grisaille.
Ainsi les habitants poursuivent leur routine, tranquillement, dans ce qui pourrait ressembler à un décor de science-fiction. Il est vraiment dommage que le réalisateur s'échine un peu trop ouvertement à "faire cinéma", à mettre en scène une sorte de fiction avec ces mouvements de caméra un peu trop calculés (ces nombreux plans de dos un peu trop calculés) et pas assez gorgés de chair. À l'image des mots conclusifs : "They are rich because they want nothing, poor because they possess nothing, and consequently they are not slaves to circumstances, but circumstance serve them". La mise en scène est très élégante, aucun doute là-dessus, mais quelque chose cloche. Malgré cela, les symboles forts sont évidents, comme cet ouvrier qui démolit une tour à coup de masse du haut de la structure, comme cette vache prisonnière d'un trou dans le sol bétonné : les images sont caractéristiques de ces paysages en ruine et de la résilience qui en anime les rues grises. Un peu trop de forme et pas assez de fond, sans doute.
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