Sorti quelques mois avant Intolerance, Civilization avait rencontré un succès tant critique que public et était considéré comme l'un des plus grands films jamais conçus, si ce n'est le plus aboutis. Curieusement, la situation est bien différente aujourd'hui et ce film de Reginald Barker (et de son producteur Thomas H. Ince) est loin d'avoir désormais le même aura que les classiques de Griffith. C'est un assez injuste car Barker, s'il ne possède pas la virtuosité presque théorique de Griffith, était un cinéaste passionnant, au style plus naturelle et tout aussi puissant au niveau des images.


Civilization impressionne encore aujourd'hui pour la beauté de sa photographie qui multiplie les clairs-obscurs audacieux tout en enchaînant les morceaux de bravoures sans temps morts et qui font preuve d'un bel éclectisme : grande liasse populaire remplie de mouvements, scènes de guerre chaotiques et brutales, dilemme moraux dans le sous-marin, vision à la Gustave Doré de l'enfer pour une séquence onirique ou encore des scènes de foule tumultueuse.
Le film possède ainsi une intensité dramatique de tous les instants qui surprend continuellement avec par ailleurs une grande fluidité dans l'agencement des plans et le découpage. Ca se retourne presque contre lui car le film est assez court (90 minutes), ce qui rende impossible l'installation ou le développement de certaines séquences qui s'enchaînent parfois trop vite avec le risque de raccourcis pas toujours crédibles comme le dernier acte avec les nonnes qui parait un peu précipité. Il y a par moment une frustration à ne pas avoir un peu de calme, notamment après la première grande bataille.
Par ailleurs, il faut reconnaître que la seconde moitié est édifiante dans son scénario avec le Christ qui se ré-incarne dans le corps de l'Empereur pour apporter un message de Paix et de fraternité sur terre.

Ce n'est pas d'une grande subtilité mais ça permet quelques visions saisissantes. Sur cet aspect, le film a peu vieilli et sa candeur détonne avec sa première partie plus crue dans sa représentation du conflit (évidement fortement influencé par la situation politique à la veille de la première guerre mondiale et s'inspirant de l'épisode de Lusitania).
Malgré ces réserves, il est difficile de ne pas admirer l'ambition plastique et narrative du projet (et son exécution).

anthonyplu
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le 16 avr. 2017

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