L'exemple typique du film qui fait quelques promesses dignes d'intérêt sur le papier sans jamais les tenir. Educazione Siberiana (on applaudit tous des trois mains son titrage français : Le clan des gangsters) se veut être une fresque criminelle quelque peu ambitieuse, faite de sales gueules qu'on n'a pas envie de croiser dans une petite ruelle un samedi soir et d'un esprit de clan inflexible qui, généralement, donne une belle saveur à ce genre de portrait de gangsters.
En lieu et place de cette ambiance très marquée que l'on est en droit d'attendre, de ces personnages avec du fond qui doivent véhiculer l'esprit guerrier à l'origine du film, qu'on nous présente à travers mythes et légendes comme une caste fière peu sujette à la clémence, on se retrouve avec deux jeunes premiers simplement dotés de trois poils de barbe en guise de badass attitude. Évidemment meilleurs amis jusqu'à la mort, mais aux idées très différentes, attirés par la même fille, séparés par un coup du sort, puis réunis dans la joie et la bonne humeur, pour se mettre sur le tarin ensuite, il y a de quoi écrire un guide des films de truands à coup de clichetons. Et comme si ça ne suffisait pas, les deux personnages sont porteurs de tempéraments antithétiques; même leurs coupes de cheveux sont diamétralement opposées (ben ouais, faut pas faire les choses à moitié, des fois qu'on les confondrait).
On en vient à se demander si ce n'est pas suite à un pari perdu, ou une partie de Poker qui s'est mal déroulée, que John Malkovitch et Peter Stormare se sont perdus dans cette soupe insipide. Les pauvres ont l'air tellement désemparés qu'ils se dissimulent dans l'inexistence de leurs personnages sans jamais rien proposer. On était pourtant en droit d'espérer qu'ils relèveraient un peu le niveau zéro établi par les juniors qui se partagent les rôles titres. Outre les deux protagonistes dépourvus de tout charisme qu'on a déjà un peu sabré il y a quelques lignes, il faut aussi composer avec une simplette hystérique qui nous prouve, et pourtant c'était compliqué, qu'il est fort possible de jouer encore plus mal que les deux coqs qui se battent pour ses beaux yeux. Quel sens de la camaraderie, c'est admirable.
Ajoutons à cela une réalisation type Mickey plage sans idées, sans aucun plan marquant, ainsi qu'une bande son inexistante, pour compléter le tableau très convenu que nous propose Gabriele Salvatores. On en retiendra toutefois quelques ambiances sympathiques, certaines scènes rendues amusantes par un Malkovitch taquin, une histoire si peu complexe qu'un petit somme entre deux tentatives d'illustrations guerrières est permis et un fil rouge bien géré, ce surin mythique, macabre tige de fer qui accompagne à la vie, à la mort, les effrayants — mais pas trop — sibériens.