Le ninja dans les années 80, c'est un signe distinctif qui ne trompe pas. S'il y en a un sur la couverture d'une cassette VHS, c'est que ça risque d'être mauvais. Alors quand en plus on lui adjoint une reproduction de l'affiche de Cobra avec Stallone, ça sent le chef-d'œuvre.
Le scénario de Clash of the Ninjas est resté assez obscur à mes yeux, comme dans un bon nombre de productions "2 en 1" (un film composé de scènes originales et de séquences piquées dans des métrages souvent asiatiques). Les méchants semblent donner dans le trafic d'organe, mais comme aucun d'entre eux n'a l'air de vraiment savoir ce qu'ils font, ils n'évoquent à aucun moment la nature de leur business. Ce qui est sûr par contre c'est qu'ils sont méchants, puisque Roy, le patron, nous explique qu'ils sont traqués par ces "fils de poutes d'Inte'pawle".
Oui, dès les premiers dialogues de ce film, vous serez frappés par ce qui fait une grande partie du charme de ce Clash of the Ninjas : son doublage. Car voyez vous, les personnes responsables des voix des différents protagonistes se sont amusés à les différencier de manière exagérée, probablement pour cacher le fait que chaque doubleur doit s'occuper de plusieurs personnages à la fois.
Roy, le méchant principal incarné par Louis Roth à l'écran, se retrouve donc affublé d'un accent anglais caricatural, dont le côté comique ressort pleinement une fois associé au jeu de l'acteur, consistant à en faire des caisses et à arborer régulièrement le sourire d'un mauvais ennemi de James Bond. Quelques dialogues bien sentis viennent parfaire le tableau, comme ce très bon "Et ça mawche jusqu'à ce que je le di'wais. Aaaaah feuq'euf !".
L'autre personnage bénéficiant d'un doublage particulièrement gratiné est Tony, le héros joué par Paulo Tocha, expert en "djidjitsu" (comme il dit) et qui représente Interpol. Certainement inspiré par le faux air de Sylvester Stallone de l'acteur (Cobra n'était pas là par hasard), son doubleur a essayé d'imiter la star américaine. Enfin je crois. Toujours est-il que le résultat, c'est une voix absolument risible de fumeur compulsif de Gitanes sans filtre. Et à l'instar de Louis Roth, la "composition" de Tocha sublime la VF. Pendant une heure trente, il affiche ce regard vide d'une rare intensité avec un aplomb à toute épreuve, tentant en vain de faire croire qu'il est habité par une sorte de force intérieure.
Les dialogues ne sont pas en reste par ailleurs, surtout pendant les séquences asiatiques. Écrits à l'arrache, ils n'ont bien souvent aucun lien avec l'action, comme lorsque ce policier annonce avec le sourire que les corps retrouvés ont été disséqués (ça fait toujours plaisir ce genre de nouvelles), ou lorsque ce méchant s'excuse auprès de l'homme qu'il vient de faire tabasser ("Désolé, t'as servi d'exemple."). Mais encore une fois, les dialogues deviennent surpuissants lorsqu'ils sont soutenus par le doublage foireux, avec par exemple la mort de Tong (le flic asiatique présent dans les deux parties du film, fait exceptionnel pour un "2 en 1"), ou son échange avec Quan (le sbire de Roy).
En parlant de mort, outre celle des figurants (j'agite les bras en l'air comme un dément), celle de la nana de Tony, Na-Na, vaut son pesant de cacahuètes. Agressée par ce vil ninja de Louis Roth, elle tente de se défendre en balançant des vinyles dans le vide. Technique inefficace, cela va de soi, puisqu'elle finira lacérée par un rasoir sous le rire diabolique du méchant.
Et avant de finir aussi pitoyablement, elle aura eu le temps d'offrir avec Tony une scène d'amour bourrée de faux raccords, de filtres pourraves et d'un érotisme propre à faire débander un mec qui vient de passer vingt ans en taule.
Autre séquence mythique, celle où Tony rend visite à son sidekick dans un hôpital fait exploser le compteur de nanardise. Si l'échange entre les deux personnages est déjà bien chargé, avec un Paulo Tocha en plein trip Actors Studio de seconde zone et un doubleur qui donne tout ce qu'il a dans le ventre, le point culminant intervient avec ce flash-back démentiel, cumulant dialogues, doublage et acteurs à la ramasse, le tout mâtiné d'un filtre abusé. Magistral.
Quant aux ninjas, régulièrement présents à l'écran, ils sont bien souvent totalement inutiles à part Louis Roth, avec leur habitude d'espionner tout et n'importe quoi sans jamais intervenir, et sans que l'on sache vraiment ce qu'ils foutent là. Heureusement, ils sont à l'origine de quelques scènes bien drôles, comme celle mettant en lumière un curé-ninja et ses saïs lance-flammes, protagoniste que l'on a jamais vu auparavant et que l'on ne reverra malheureusement jamais.
Mais là où ils brillent de mille feux, c'est évidemment lors du combat final opposant Tony à Roy. Déployant leur arsenal de gadgets moisis, ils donnent lieu à un pur morceau de n'importe quoi. Il faut voir ces moulinages de mains, ces démembrements de mannequins en mousse, ou ce duel au katana dont les lames sont plus ou moins molles. N'oublions pas non plus ce magnifique bandana de Tony au design audacieux, affichant un peu ostensiblement son patriotisme américain.
Un petit mot sur les musiques avant de conclure, elles aussi bien dans le ton, d'autant plus que nous sommes en plein dans les années 80. Elles font souvent irruption de manière brutale, sensées accentuer la tension dramatique des scènes, mais renforçant surtout la ringardise de l'ensemble.
Malgré tout, Clash of the Ninjas n'atteint pas les cimes du nanar, la faute notamment à l'insertion somme toute assez correcte des séquences asiatiques où les acteurs et les scènes d'actions sont bien plus crédibles (d'accord, c'était pas bien dur). Fort heureusement, elles restent largement minoritaires, permettant aux séquences occidentales de soigner la dimension nanardesque du titre.