Coco
7.7
Coco

Long-métrage d'animation de Lee Unkrich et Adrian Molina (2017)

Au milieu de toutes les suites non demandé par le public que Pixar à mis en chantier, dont le regardable mais étonnamment surestimé Le Monde de Dory et la très bonne surprise Cars 3, le seul projet original à être en chantier n’est autre que l’adaptation d’une aventure centrée sur la fête des morts au Mexique. Dont l’idée est naît de l’esprit de Lee Unkrich, déjà auteur du bijou du studio est Toy Story 3.


Originairement prévu pour 2015, elle connait un repoussement pour 2017 lors de la D23 de 2015, révélant que le film innovera avec les chansons (choix qui, à n’en pas douter, a fait râler les anti-Disney et certains fanboys hardcore de Pixar… sans parler des comparaisons avec La Légende de Manolo) et aura mis plus de 6 ans avant de voir le jour entre le premier voyage de l’équipe de production au Mexique en 2011 et la sortie dans les salles cette année. Et pour la petite histoire anodine, Lalo Alcaraz, un dessinateur de comics américain, a participé à un mouvement des réseaux sociaux contre l’idée de center un film sur la fête national mexicaine pour finalement être engagé comme consultant par Disney-Pixar. Comme quoi, la vie est assez ironique parfois.


Mais à vrai dire, les 20 premières minutes laissent transparaître quelques craintes justifiées vis-à-vis du pitch de base, surtout par rapport à l’éviction de la musique dans la famille de Miguel. Après une introduction joliment animé entre les banderoles en 3D et l’histoire de la famille de Miguel en 2D, les 20 premières minutes sont en demi-teinte puisqu’on bascule aussi bien entre l’amour sincère de Miguel pour la musique et Ernesto de la Cruz son idole de toujours (des moments joliment construit je trouve) et sa famille de confectionneur de chaussure rejetant tout ce qui touche de près ou de loin à cet art, le moment le plus représentatif étant le passage ou Abuelita s’en prend au mariachi à qui Miguel cirait les chaussures à coup de sabot.


L’intention est clairement de jouer sur le thème de la tradition familial et la confrontation entre la génération actuelle en la personne de Miguel et la coutume de sa famille mais est-ce vraiment nécessaire de montrer sa famille être hermétique jusqu’à ce point ? Surtout quand c’est montré comme un drame ayant brisé le coeur d'Imelda durant les premières minutes et que c’est la base centrale de l’histoire (je m’étonne même que ça soit considéré comme une "malédiction" proprement dite). Un peu dommage que ce point pénalise le ressenti à côté de l’ambiance musicale mexicaine du film qui accompagne le séjour du spectateur au Mexique.


Michael Giacchino a beau livrer majoritairement que de la musique d’accompagnement (de bonne facture mais il nous a habitué a bien plus recherché, y compris chez Pixar), l’ambiance est là et les chansons sont toutes très entraînantes. Un Poco Loco en particulier, mais aussi et surtout Ne M’oublie Pas qui sert de principale axe émotionnelle du film et qui est utilisé avec un très grand soin lors de chacune de ses deux reprises. De ce côté, no souci, on se laisse très facilement emporté par l’ambiance sonore de Coco.


Sans oublier qu’à notre grand bonheur, ces pitreries sur la malédiction familiale finit par s’atténuer à partir du moment où Miguel se retrouve dans le monde des morts durant le traditionnel Jour des morts. Et on aura la joie de constater pleinement que les équipes sont loin d’avoir chômés pour créer cet autre monde et son fonctionnement : dés le premier plan sur le royaume des morts la qualité visuelle n’est plus à faire et le sens du détail respire à chaque instant.


Que ça soit les textures des personnages encore une fois plus peaufinés que précédemment et variés (Miguel ayant un physique simple et ordinaire tandis que Dante a une langue aussi élastique que les tentacules d’Hang dans Le Monde de Dory), la constitution des habitats du royaume des morts selon qui on se souvient et qui est arrivé en premier ou en dernier, la clarté des os selon les habitants du royaume dont ou se souvient le plus ou le moins et les créatures qui y vivent (Pépita l’Alebrije de la famille morte de Miguel croisé entre le jaguar et l’aigle), l’architecture mexicaine exploitée pour créer plusieurs environnement et bien sur cet éternel ambiance de festivité répandu à travers ce monde avec la lumière utilisé pour rendre ce monde très coloré. Et certains gags visuels bien efficaces grâce au corps des squelettes.


C’est d’ailleurs dans ce monde qu’on trouve le meilleur personnage du film en la personne d’Hector, le squelette musicien clochard et comique centrale en apparence dont chaque scène sérieuse fait consécutivement mouche émotionnellement et qui tisse une relation très sincère avec Miguel. Et c’est lui, ainsi que Ernesto de la Cruz qui finit par apporter les principales questions par lesquelles devra passer Miguel par rapport à l’attachement à sa famille et son amour pour la musique : renoncer à son attachement familiale pour vivre pleinement de sa passion ou rester pour soutenir la fille de son arrière-arrière-grand-père jusqu’à ses derniers instants en délaissant ses rêves ?


Même la "malédiction" (j’insiste encore sur les guillemets) fini par prendre un sens lorsqu’on découvre les facettes de deux autres personnages du monde des morts et donnant un peu plus de sincérité aux thématiques du film qu’on reconnait aux créateurs de Luxo Jr. : Mama Imelda l’arrière-arrière-grand-mère de Miguel gardant toujours des sentiments pour son époux ainsi qu’envers la musique, et Ernesto de la Cruz qui est le centre d’attention de Miguel et l’inspiration du jeune homme


(mais dont il est un peu regrettable de ne pas voir l’ambivalence plus creusée lorsqu’il montre un semblant de regret par rapport aux nombreux présents qu’il reçoit le jour des morts quant à l’origine de son succès et surtout du sort qu’il a réservé à Hector dans le monde des vivants).


Sans compter que le doublage français s’en tire très bien : Andrea Santamaria faisant un Miguel très convaincant car engagé lui-même dans la musique, et Ary Abittan réussissant brillamment son tout premier doublage en animation dans la peau d’Hector. Si on oublie François-Xavier Demaison doublant à peine 1 minute de film dans le rôle d'un mariachi de passage.


Enfin, si on laisse de côté cette histoire de malédiction un peu poussive, on obtient au final une bonne façon d’analyser le pourquoi de la peur de la musique qui devient un facteur de brisement familial, pouvant aussi bien être une passion partagée avec son entourage qu’une quête factice et artificielle vers la gloire et la renommée, sans oublier le rapport à la mort qui reste un des points centraux via le personnage d'Hector. Et c’est sur ces points que le dénouement final du film joue astucieusement sans pour autant rendre le propos lourdaud au possible, insistant davantage sur les relations entre Miguel et les autres protagonistes (Hector et Imelda comme Coco) et l’aboutissement auquel cela amène pour ce Pixar.


Pour faire bref : Coco, en dépit des soucis de rythmes habituels aux productions animés américaines et de quelques légères lourdeurs, peut avoir le mérite de se placer en haut du panel animé de la boîte de John Lasseter. Alliant à merveille sincérité et créativité ainsi qu’ambiance festive et instants d’émotions des plus honnêtes, on pourra difficilement espérer mieux comme cadeau en début des festivités de Noël. Pixar redresse un peu la barre après le décevant Le Voyage d’Arlo et une suite des plus futiles, et je ne demande que à ce que ça se poursuive avec la suite des Indestructibles entre les mains de Brad Bird, principale suite du studio dont on espère voir le potentiel exploité à fond l'été prochain.

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