En préambule, j'aimerai faire part de mon indignation, à propos du sort et de l'accueil qu'à hérité le nouveau film de Jan Kounen. Grosso modo, et sans évoquer le parti pris non conventionnel de l'oeuvre, il a le tord de passer peu de temps après le biopic d'Anne Fontaine sur Coco Chanel. En effet, il n'a pas bénéficié du même battage médiatique (soit ils n'en parlaient pas, soit ils disaient que c'était ennuyeux), puis les spectateurs n'avaient pas forcément envie de voir ou de revoir une oeuvre centrée sur cette icône de la mode française. Ce qui est somme toute assez normale, voire logique de ce côté là. En conséquence, énorme bide, Coco Chanel et Igor Stravinsky est sorti dans l'indifférence la plus totale.


C'est regrettable puisque ce long métrage est très intéressant à bien des égards. Mais aussi et surtout, on tient là, l'oeuvre la plus réussie et maitrisée du réalisateur.
Pour commencer, ça démarre tambour battant: au bout d'une poignée de minutes, le scandale arrive avec l'oeuvre d'Igor Stravinsky. Le Sacre du Printemps, qui avait créée la polémique (en raison de l'avant gardisme musical de Stravinsky apparié à la chorégraphie dynamique et moderne de Nijinski) lors de sa première représentation à Paris, le 29 mai 1913 au théâtre des Champs-Élysées.


J'ai trouvé cette longue séquence de 15 minutes fabuleuse, un véritable tour de force de la part de Kounen. C'est même le meilleur passage du film. Tout compte fait, c'est casse gueule de placer ce passage comme entrée en matière, puisque après cela on pourrait trouver le reste de l'histoire (d'amour) soporifique au fil des minutes. Et pourtant ça m'a fait l'effet inverse si je puis dire: de suite j'ai été capté par ce que j'ai vu et je n'ai plus décroché jusqu'à la fin du long-métrage. Pour ma part, c'est un très bon point d'avoir débuter par ça, il ne s'est pas loupé.


Pour en revenir à ladite séquence, c'est filmé comme un morceau de bravoure, à l'instar d'une grosse scène d'action, pour schématiser. Enfin je l'ai perçu comme tel, tant le travail sur la coordination des troupes et la mise en image paraissent si complexes, puisqu'il fallait gérer beaucoup de choses sur un même plan. Au niveau de la scène où se déroule le spectacle de danse effectué par les Ballets russes, ensuite juste en dessous se tient l'orchestre et enfin un peu plus loin le parterre consacré au public virulent, où ça vire presque à l'émeute. Je n'ai pas inclus les balcons ou les loges car je ne me souviens plus si les différents mouvements de caméra permettent de les apercevoir.
Bref, tout ça pour dire que c'est excessivement bien réalisé et que ça met dans le bain !


Par la suite, le long métrage est beaucoup plus calme: tout d'abord il y a l'utilisation d'une énorme ellipse avec un saut dans le temps (7 années plus tard), date de la véritable rencontre entre les deux créateurs.
C'est à ce moment là que Coco Chanel propose au compositeur russe de l'héberger (lui et sa famille) dans sa villa à Garches. Chose qu'il accepte puisqu'il était justement à la recherche d'un endroit propice à sa création.


Et de fil en aiguille la passion s'installe au sein de cette demeure, il se construit une relation adultère, on ne sait pas vraiment si des sentiments sont en jeu là dedans (la fin du film abonde dans ce sens). Car le cinéaste montre qu'il n'y a presque pas de communication entre eux, pas d'attachement notoire, ils sont plutôt distants (à l'image de la couturière qui est glaciale et austère) et ce dans n'importe quelle situation. Puis on y voit surtout un rapport de force entre les deux personnalités. Et on nous donne une vague idée du processus créatif, chez les artistes. On a beau dire ce que l'ont veut, le facteur émotion pèse beaucoup au final. Bref, on est très loin de la bluette sans équivoque.


Autre chose, j'ai beaucoup aimé la prestation des acteurs, bien évidemment Mads Mikkelsen, ce type peut tout jouer avec classe c'est indéniable. Mais aussi Anna Mouglalis, d'ailleurs j'ai été surpris de lire des commentaires négatifs à l'égard de sa prestation. Je trouve, au contraire, qu'elle incarne à merveille le personnage, elle impose de suite le respect, elle a le charisme nécessaire, un physique et une voix à tomber.


Que dire de plus, il y a quelques menus défauts, des bribes de scènes qui passent un peu à côté du sujet, mais rien de bien méchant. Avec cette commande, Jan Kounen y trouve probablement son film le plus sobre, abouti et classe de sa filmographie.

Jubileus
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le 23 août 2015

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