De la même façon que Styx, l’année dernière, confrontait le spectateur à un problème de société en l’enfermant à bord du petit bateau de Rike, 7500 enferme le spectateur dans le cockpit d’un avion pour le confronter au terrorisme. Certains reprocheront le côté « attaque comme si vous y étiez », faisant du long métrage un simulateur d’attentat comme 1917 est un simulateur de guerre ; et ils auront raison. Néanmoins, qu’un film réussisse, pendant près d’une heure et demie, à maintenir à ce point la pression, à rendre poreuse la frontière entre fiction et réalité, à faire prendre conscience des secondes qui n’avancent pas tout en s’affranchissant des longueurs, des passages obligés, est une preuve de sa vigueur et de sa remarquable maîtrise.
Le montage est aussi acéré et tranchant que les morceaux de verre taillés en poignards : champs et contre-champs sont pensés non comme des procédés artificiels mais comme la séparation de deux adversaires se disputant une partie d’échecs et élaborant des stratégies pour triompher l’un de l’autre. Le moindre geste, la plus petite expression peuvent déclencher la fureur ou les larmes, et le spectateur les décrypte, prête attention aux détails habituellement imperceptibles : le silence et le statisme semblent préparer quelque chose, il faut ne rien manquer, rester sur ses gardes. L’ambition de 7500 n’est pas métaphorique : il ne s’agit pas d’esquisser des personnages-allégories susceptibles d’être replacés dans une relecture symbolique de l’attaque ; non, son ambition est réaliste, et pour cela le film travaille le doute, le sentiment de culpabilité, la détresse ; et pour cela le film s’accroche à l’humain. Les personnages sont confrontés à des dilemmes qui ne peuvent trouver de solution positive ; pas d’arme à feu cachée sous le siège, pas de commandant ancien militaire des forces spéciales, pas de deus ex machina, en somme ; des hommes ordinaires faisant un métier extraordinaire, et dont les responsabilités s’exacerbent soudain.
Beaucoup de questions viennent à l’esprit du spectateur, auxquelles le film n’apporte aucune réponse. Car telle n’est pas son ambition. Il veut amener le spectateur à se poser des questions, sans avoir à les penser à sa place. Voilà une œuvre froide, violente et mentale sur une situation froide, violente et mentale. Le parti pris est peut-être contestable, oui, d’un point de vue de cinéma – aucune vision esthétique ne transparaît ici, aucun cinéaste ne s’affirme. Mais son exécution, elle, est exemplaire. Portée par deux acteurs au sommet : Omid Memar et surtout Joseph Gordon-Levitt.