Sur fond de survival animalier, Cold Ground est un found-footage particulièrement entraînant qui s’appuie sur son environnement et la vulnérabilité des protagonistes pour étayer ses propos. Si certains aspects du récit sont assez prévisibles, il n’en demeure pas moins une incursion notable dans un genre trop souvent malmené.


Officier dans le domaine du found-footage est une entreprise cinématographique hautement risquée. Malgré cette propension à triturer la frontière entre la réalité et la fiction, sans oublier un potentiel d’immersion évident, le genre connaît une baisse d’intérêt notable. Cela vaut surtout pour la prolifération de productions opportunistes qui, non satisfaites de décrédibiliser ce style à part entière, se distinguent par une vacuité peu commune. L’absence de rythme pour raconter une histoire malingre avec trois bouts de ficelle démontre surtout les errances de cinéastes incapables d’en saisir toutes les possibilités. Avec Cold Ground, l’a priori semble différent, et ce, pour plusieurs raisons.


Certes, on n’échappe pas à l’habituelle présentation qui tend à justifier l’existence du métrage. En l’occurrence, le montage réalisé tient lieu d’investigations, même si le public n’en saura guère plus sur ce point. Toujours est-il que le film de Fabien Delage se distingue avant tout par son cadre temporel: les années1970. Une période assez emblématique, notamment en ce qui concerne le cinéma de genre. On songe également à la commercialisation des caméras Super8 et ce grain d’images si caractéristiques que l’on retrouvera tout au long de l’intrigue. L’ambiance est particulièrement soignée pour réduire l’aspect technologique au matériel d’époque.


De fait, on sent une volonté d’aller à l’essentiel, d’épurer l’image dans son expression la plus brute. Il est à noter que la présence de la caméra bénéficie d’une pleine justification pour découvrir telle ou telle scène. Du simple reportage à la nécessité d’un éclairage pour les plans nocturnes, on apprécie les petits détails qui ne perdent pas de vue la préoccupation première: replacer l’objectif au centre de toutes les attentions. Il y a bien certaines séquences frénétiques difficilement lisibles, mais le procédé offre un fond crédible à l’affaire. Et question réalisme, un travail soigné a été apporté au scénario afin de fluidifier l’action et ne pas s’empêtrer dans une entame laborieuse, voire interminable.


Au lieu de multiplier les silences et les confrontations stériles comme bon nombre de productions ratées, Cold Ground profite des baisses de rythme pour développer son propos. Cela passe notamment par des dialogues à même de présenter le mystère des bétails mutilés tout en étayant certaines hypothèses. On évoque brièvement des cas similaires au Texas avec, en filigrane, la présence d’extraterrestre. Une contamination virale est aussi l’objet de spéculations. Mais ce sont surtout les allusions propres à la cryptozoologie qui retiendront toute l’attention du spectateur. Il est simplement dommage que le mystère soit éventé par l’affiche du film (très réussie, au demeurant).


Quant à l’aspect survivaliste du récit, il exploite pleinement les contraintes environnementales. Cela tient à une progression difficile, des reliefs escarpés et une forêt à l’enchevêtrement végétal plus ou moins dense. Tout concourt à former un écosystème à part entière dont l’homme ne connaît rien ou presque. Idéal pour mettre en avant la vulnérabilité des membres de l’expédition, tout en développant une atmosphère oppressante. Assez paradoxal lorsqu’on prend conscience de la superficie de ces étendues sauvages. À la fois passifs et hostiles, le cadre et son appropriation occupent une place essentielle dans l’appréciation générale de Cold Ground.


Au final, Cold Ground maîtrise les fondamentaux du found-footage et les retranscrit de fort belle manière à l’écran. Plongée au cœur des seventies, l’histoire est réellement entraînante pour peu que l’on s’intéresse à la cryptozoologie et au survival animalier, et ce, en dépit d’une certaine linéarité. Pour autant, l’évolution narrative reste fluide et assez dynamique pour le genre. Autrement dit, il ne faut pas attendre les cinq dernières minutes pour se sentir concerné. Malgré la modestie des moyens engagés, le film de Fabien Delage se distingue par son sens de la mise en scène et son ambiance particulièrement immersive. De quoi redorer le blason d’un style en perte de vitesse...

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le 7 févr. 2019

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Blockhead

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