--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au vingtième épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---



Enfin, la terre. Nous avons accosté en milieu d'après-midi, Lycaon m'attendait au port. Son corps, son odeur, son regard, sa voix, tout en lui m'avait si cruellement manqué. Ce n'est pas avec le reste de l'équipage que je regarde le film de ce soir, mais avec lui et lui seul, blottie tout contre sa fourrure sombre et réconfortante.

Drôle de film de retrouvaille qu'était Cold Skin. Avec sa teinte bleue délavée et ses nuits profondes, Cold Skin est de ces films dont la beauté glaçante plonge dès le premier regard dans l'univers anxiogène et cauchemardesque qu'il recherche. Sorti deux ans avant The Lighthouse, je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a une filiation entre ces deux films, qui dépeignent tous les deux la lente descente aux enfers de deux hommes reclus dans un phare, comme seuls au monde. Et même si les deux films présentent des univers visuels bien distincts l'un de l'autre, ils partagent, en plus de leur pitch, ce choix d'une photographie tranchée et sans concession. Et une sirène donc. Mais encore une fois, chacun sa sirène. Car si la sirène de The Lighthouse a la spécificité de n'exister que dans l'esprit torturé du personnage de Robert Pattinson (sublime Robert Pattinson, mais nous ne sommes malheureusement pas ici pour faire la critique de The Lighthouse), elle est du reste assez commune, répondant aux codes de ce qu'on appelle communément sirène. La sirène de ce soir quant à elle, bien que parfaitement réelle et concrète, est une variation si évasive des caractéristiques de la sirène que j'ai longuement hésité à savoir si oui ou non le film n'était pas hors-sujet. Je décide que ces pieds qui se palment quand les créatures pénètrent dans la mer, et leur caractéristique de chanter pour appeler leurs congénères sont suffisamment proche de la sirène pour en être, mais je triche peut-être. Les personnages eux-même ne prononcent pas une seule fois le mot sirène. Enfin, ils les appellent « crapauds », et concrètement, les bestioles de ce soir ressemblent incontestablement plus à des sirènes qu'à des crapauds.

Par ailleurs, au risque de reproduire un discours quasiment similaire à celui que j'avais déjà rédigé après mon visionnage de Ondine ce mois-ci, le film est magnifiquement, superbement, un film de monstre. Il dépeint les grands thèmes du film de monstre, les thèmes de la cruauté, de l’intolérance, de l'incompréhension, de l'acceptation de l'autre, de qui, du monstre ou de l'humain, est au final le plus monstrueux. Il le fait avec panache et subtilité, développant savamment ces thématiques, les transformants lentement de grands classiques à innovations. La problématique de la guerre, du guerrier, de l'art de la guerre, est, je crois pour la première fois, abordée frontalement. Ce personnage esseulé, bourru, à moitié fou, a développé une telle maîtrise de la guerre qu'elle est devenue son unique raison de vivre. Bien faire la guerre, voilà sa seule satisfaction dans la vie. La guerre a été tellement réfléchie, tellement intériorisée, tellement assimilée, qu'elle n'est plus nullement un état de tension, qu'elle n'est plus un outil pour parvenir à ses fins, mais véritablement une fin en soi. Il ne cherche plus à en sortir, pire, il tient à tout prix à y rester, quel qu'en soit le coût. Et il est sublime dans son ignominie, chose que comprend progressivement et dans la douleur le second personnage, qui, forcé, glisse lui aussi lentement dans cette personnalité belliqueuse. C'est une thématique rarement abordée au cinéma, surtout pas sous ce point de vue froid et sans jugement. Le film ne tranche pas, il propose au spectateur une situation, et c'est à lui de se faire sa propre opinion. Certes il a quelques faiblesses. L'aspect un peu humanisant des créatures est apporté tardivement, et on ne comprend pas bien pourquoi on devrait avoir de l'empathie pour eux alors que ce sont eux qui, depuis le début du film, nuit après nuit, assaillent la forteresse de fortune des deux personnages humains, avec comme intention ouverte de les massacrer. La créature de compagnie aussi est bien trop mystérieuse, il manque clairement une exposition de ce personnage, comment elle s'est retrouvée dans cette situation, quels sont ses sentiments, comment ont-ils évolués, etc. Je veux bien entendre le parti pris de la laisser enrobée dans sa cape de mystère, mais c'est fait trop maladroitement, et j'en ressort surtout avec l'impression que si on m'a caché des choses, c'est simplement parce que le scénariste n'avait pas la réponse. Qu'importe, tant pis. Le film est un éclat de poésie et de philosophie, un film de monstre presque générique, au sens noble, comme l'était La Nuit des Morts Vivants : les monstres pourraient être n'importe lesquels, le propos ne changerait pas, la conclusion serait toujours la même, implacable. L'humain est le monstre et le monstre est humain, le camp dans lequel on se retrouve n'est qu'un aléa du destin, et ce n'est qu'une passion commune pour la cruauté et la barbarie qui mène ces deux espèces à se livrer une guerre sanglante et éternelle. J'ai tourné mon regard sombre vers les yeux-soleils de Lycaon. Il m'adresse un sourire rassurant. Je sais qu'il est un héro de guerre, un chef adoré par son armée. J'ai peur qu'un jour, il ne sombre lui-même dans cette démence destructrice. Mais ce sourire rassurant me dit avec la plus absolue des honnêteté que tant que nos regards continueront de converger l'un vers l'autre, sa passion ne sera pas la guerre, mais le rêve d'un mon harmonieux qu'il désir farouchement m'offrir.





Zalya
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le 4 nov. 2023

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