On associe souvent l'intimité au cinéma avec le huis-clos. La promiscuité, forcée par le manque d'espace, permet au spectateur de s'identifier beaucoup plus rapidement aux personnages et de s'immerger dans l'action. Il est rare de voir un film, se déroulant à ciel ouvert, et dont on ressort en ayant la sensation d'avoir partagé un vrai moment d'intimité. Dans Collatéral, plusieurs éléments permettent ce qui peut s'apparenter à un tour de force. Il y a d'abord le choix du temps, avec l'action se déroulant sur une nuit. Il y a aussi ce taxi, sorte d'excroissance de son chauffeur Max ; lieu le plus important de l'épopée mortifère de Vincent, tueur à gages de son métier.


Réalisé par Michael Mann, Collatéral est une référence du polar urbain. Lorsque le chauffeur de taxi Max prend en charge un client au costume sur mesure prénommé Vincent pour une série de cinq courses, il ne s'attend pas à ce que son client soit en réalité un tueur qui a plusieurs cibles à éliminer. Mais le terrible engrenage dont il n'arrive pas à s'extirper prendra fin lorsqu'il découvre l'identité du dernier contrat qui se révèle être l'une de ses connaissances..


La force du film réside en grande partie dans ce jeu à deux qui se met en place entre Max et Vincent. Du statut de victime, Max endosse le rôle du complice au fur et à mesure que la nuit avance. Tandis que Vincent, tueur implacable, montre sur la fin un visage humain. Il n'est pas qu'une machine à tuer, il est aussi un homme avec ses doutes et ses craintes. L'évolution de ces facettes insoupçonnées apportent une incroyable densité aux personnages interprétés par deux acteurs bankable, Tom Cruise et Jamie Foxx.


A l'instar de son film Heat, Michael Mann joue habilement avec les lumières de la Los Angeles qui semblent déchirer la nuit. Ces lumières donnent un aspect électrique à la mise en scène, tout comme la teinture argentée de Tom Cruise. On retrouve également la volonté de ne pas juste proposer une succession de scènes et de personnages servant l'intrigue, mais une construction mature, où chaque détail à son importance. L'humain avec ses forces et ses faiblesses est montré sans artifices. Mann ne maquille pas sa mise en scène sous une couche d'action gratuite, de sentimentalisme mielleux et de blagues graveleuses.


Collatéral est une péripétie nocturne et urbaine, sur laquelle veillent des mastodontes faits de béton et d'acier au milieu desquels déambule un taxi dans une course où le tarif est la vie. Mann et sa caméra numérique haute définition sublime un duo d'acteurs qui, sous une autre direction, auraient pu transformer un chef-d'œuvre en un thriller sans âme.

Créée

le 19 déc. 2018

Critique lue 2K fois

64 j'aime

6 commentaires

Vincent-Ruozzi

Écrit par

Critique lue 2K fois

64
6

D'autres avis sur Collatéral

Collatéral
Sergent_Pepper
5

Taxi sniper

Revu il y a trois ans et massacré par une note divisée par deux, je me devais de redonner sa chance à Collatéral : au sein d’une intégrale consacrée à Mann surgiraient peut-être de nouvelles ébauches...

le 23 juin 2016

84 j'aime

20

Collatéral
Gand-Alf
8

La cité des anges.

Après s'être attardé sur une partie de la vie de Mohamed Ali, Michael Mann plonge au coeur même de la cité des anges, adaptant un scénario qui aura circulé pendant un certain temps à...

le 21 juil. 2013

78 j'aime

Collatéral
Vincent-Ruozzi
8

Mon client le tueur

On associe souvent l'intimité au cinéma avec le huis-clos. La promiscuité, forcée par le manque d'espace, permet au spectateur de s'identifier beaucoup plus rapidement aux personnages et de...

le 19 déc. 2018

64 j'aime

6

Du même critique

Whiplash
Vincent-Ruozzi
10

«Je vous promets du sang, de la sueur et des larmes»

Whiplash est un grand film. Il est, selon moi, le meilleur de l’année 2014. Une excellente histoire alliant le cinéma et la musique. Celle-ci ne se résume pas à une bande son, mais prend ici la place...

le 20 janv. 2015

192 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
Vincent-Ruozzi
9

Sur les routes de Valhalla

Je viens de vivre un grand moment. Je ne sais pas si c’est un grand moment de cinéma, mais ce fût intense. Mad Max: Fury Road m’en a mis plein la gueule. Deux heures d’explosions, de fusillades et de...

le 16 mai 2015

182 j'aime

21

The Irishman
Vincent-Ruozzi
8

Le crépuscule des Dieux

Lèvres pincées, cheveux gominés, yeux plissés et rieurs, main plongée dans sa veste et crispée sur la crosse d'un revolver, Robert De Niro est dans mon salon, prêt à en découdre une nouvelle fois. Il...

le 29 nov. 2019

153 j'aime

10