Enfin un autre spaghetti qui ravit, ô Lee !
Quel sous-genre étrange que le western spaghetti. Il y a eu les pépites de Leone, dont une figure parmi les plus beaux accomplissements du cinématographe. Mais à part ces fulgurances, le spaghetti, et là je ne vais pas me faire que des amis, c'est quand même bien de la daube. D'accord, j'en ai vu quelques-uns qui doivent s'apparenter à des westerns spaghettis de série B (chaud !) mais j'ai également vu la plupart de ceux qui sont censés être les meilleurs. Les Damiani, Petroni et autres Castellari, c'est de la toute petite bière. Et alors le révéré Corbucci, c'est la Kro du cinéma.
Eh bien tenez-vous bien, "Colorado" (tiens, un titre français infâme !?), c'est vraiment pas mal !!
J'ai vu la director's cut (environ 110mn) en anglais (autant voir ça en anglais vu comment c'est mal redoublé en italien, et qu'il y a plusieurs acteurs anglophones), avec l'habituel petit bordel de scènes rajoutées non doublées (sous-titrées bien sûr). Des fois c'est très bizarre, y a juste une phrase en italien au milieu de deux en anglais (du coup, oui, le voir directement en italien, c'est pas forcément une mauvaise idée, mais tout puriste de la VO que je suis, les spaghettis en italien, c'est l'exception).
"La Resa dei conti" est le premier d'une sorte de trilogie de Sollima à l'image de la trilogie du dollar de Leone. Les films peuvent être vus indépendamment, il y a surtout des récurrences. A noter que le troisième, "Saludos hombre", semble tout de même reprendre là où le premier s'était arrêté. A l'inverse de Sergio, qui, je trouve, gagne en puissance jusqu'à l'apothéose que l'on sait, Sollima fait fort pour son premier, mais derrière ça ne suit pas. "Le dernier face à face" tente quelque chose de différent mais c'est trop bavard et mou du genou.
Une chose qui fait du bien dans "Colorado", c'est le sujet : exit la sempiternelle histoire de vengeance, ici c'est une chasse à l'homme sur fond de jeux politiques, avec même de l'humain dedans ! Exit aussi la politisation maladroite du western zapata (sous-genre du spaghetti) qui n'a pas les moyens de ses ambitions.
L'histoire est plutôt prenante donc (co-écrite par Sergio Donatio, qui a pas mal collaboré avec Leone), et elle n'est pas desservie par les acteurs. Lee van Cleef, qui trouve ici son seul autre rôle de western à la hauteur de la saillance de ses pommettes, nous montre à nouveau à quel point il peut avoir l’œil émouvant. Tomás Milián c'est quand même autre chose que Franco Nero. Et il y a même un second rôle qui tient la route, un magnat du chemin de fer interprété par Walter Barnes.
De toute façon tout cela avait très bien commencé avec le générique (malheureusement souvent le seul moment appréciable dans les spaghettis). Celui-ci, qui n'est pas sans rappeler "Le bon, la brute et le truand", donne le la, chouette visuellement et accompagné de la superbe chanson "Run, man, run !". D'ailleurs, musicalement, ce monstre de Morricone signe ici une de ses toutes meilleures BO (Ouh, le final est très, très bon, les amis !).
La musique, qui est souvent l'élément qui fait qu'on se montre un poil plus généreux avec les bouses du genre (coucou "Navajo Joe"), me fait également être généreux avec "Colorado", mais je crois qu'il le mérite vraiment. C'est, dans ce que j'ai vu pour l'instant, le seul autre bon western spaghetti.
En vérité il y en a un autre qui a obtenu un poil plus que la moyenne puisque j'ai mis un petit 6 à un certain "Companeros", mais il doit y avoir une erreur : c'est un Corbucci (!?)...
[EDIT : Depuis j'ai vu "Sabata", qui est chouette aussi. "Colorado" reste le meilleur, après les Leone.]