"Le dictateur" talonne de très près "Les temps modernes" et "La ruée vers l'or" dans mon classement Chaplin tant il est génial et tout simplement beau.
Le personnage de Charlot n'est plus (tout à fait) le même, étant donné qu'il parle, ce qui lui ôte un peu de cette universalité qui permettait à tout le monde de s'identifier à lui. Mais Chaplin est un génie, et il réussit encore à toucher son public de façon incomparable. La poésie que le muet dégageait, on la retrouve dans le jeu d'acteur de Chaplin, dans la naïveté de son personnage, dans certains des thèmes abordés (l'amour, l'innocence, le courage, la persévérance, l'honneur...), dans la musique, dans le comique, partout quoi... Et dans le dialogue bien évidemment, maintenant qu'il est utilisé.
On rit toujours autant devant la virtuosité comique de Chaplin. Mention spéciale à la scène du buffet entre Hynkel et Napoloni, quand ils commencent à mettre le boxon (Et Hynkel qui tente en vain de déchirer ses spaghettis, ha ! ha !). Chaplin avait un DON pour faire rire, c'est du génie : il suffit d'un changement d'expression dans son visage, d'un geste volontairement maladroit (par exemple rater sa tentative de s'accouder sur son siège devant Napoloni), pour déclencher le rire. C'est magnifique. Et Paulette Goddard interprète son rôle à la perfection.
Encore une fois, "Le dictateur", comme la majorité des Chaplin, est un hymne à l'humain, et ici, ce n'est pas l'humain par rapport à la machine (comme dans "Les temps modernes"), quoique, si l'on regarde une des toutes premières scènes (avec le canon), on peut se demander, mais plutôt à l'humain contre l'inhumain, incarné par les dictateurs et leur état-major.
Et encore une fois, "Le dictateur", à l'instar de beaucoup de Chaplin, est bien sûr un film politique engagé : il est sorti pendant la deuxième guerre mondiale, je ne vous ferai pas l'affront de vous dire (ce) qui est visé en particulier...
Et puis, tout comme dans "Les temps modernes", on peut déceler à la fois un hommage au film muet et une critique du film parlant (voire du langage en général, à la manière de l'absurde dans le théâtre par exemple), à travers les discours de Hynkel, qui, je ne vous apprends rien, ne veulent pas dire grand chose. Même si on reconnaît des mots allemands réels, comme : "Joden" (Juïfs), la quasi-totalité des harangues ne veut strictement rien dire. Tout cela est d'ailleurs aussi renforcé par l'effet des micros qui "tournent de l'œil", sous entendu : face à de telles inepties.
Je finirai sur le discours prononcé à la toute fin du film, par "Charlot" cette fois, qui reste pour moi une des allocutions les plus touchantes jamais prononcées sur grand écran. Chaplin regarde directement la caméra, et s'enflamme sur des thèmes ultra universels (la phrase clef étant le : "we are not machines!"), qui, de par leur simplicité, leur évidence, leur universalité, nous (me ?) touchent de plein fouet. Ça aurait peut-être pu sembler sucré avec un autre acteur, mais moi je vous le dis, quand c'est Chaplin qui s'enflamme, ben ça fait quelque chose...