Question du jour : dans quelles circonstances un film parti pour être excellent peut-il se casser la gueule lors de la dernière ligne droite ? A cette interrogation épineuse, le film de Nacho Vigalondo pourrait apporter de bons éléments de réponses.
Il y a quelque chose de follement attirant dans le pitch de Colossal, qui voit une femme névrosée, rongée par l'alcoolisme et larguée par son petit-ami, se retrouver connectée avec un monstre géant qui détruit la ville de Séoul. La grand erreur aurait été de traiter ce film comme une comédie de science-fiction potache, puisque cela serait revenu à négliger toute la dimension intimiste qu'un sujet pareil pourrait offrir (quels sont nos démons intérieurs ? Jusqu'à quel point notre mal-être pourrait causer du mal autour de nous ?). Fort heureusement, Colossal, dans sa première heure, prend le temps avec une noirceur de ton bienvenue, de s'intéresser à ses personnages, ainsi qu'à leurs pulsions destructrices se répercutant à grande-échelle.
Le récit finit ensuite, passé la première moitié de film, par laisser de côté l'alcoolisme de l'héroïne pour se concentrer sur la relation toxique qui la lie depuis l'enfance à l'un de ses camarades de classe, et qui pourrait être la cause de tout ce qui lui arrive. Et c'est finalement avec cette partie que Colossal va trouver sa force, notamment grâce à un très bon duo d'acteurs (Anne Hathaway et Jason Sudeikis (mention spéciale au second, aussi crédible en ami d'enfance maladroit qu'en manipulateur psychopathe sur les bords)) et une progression très cohérente de la comédie douce-amère vers le drame plus noir.
Mais soudainement, à vingt minutes de la fin du film, Colossal se perd. Passé un twist censé expliquer le pourquoi du comment, mais malheureusement beaucoup trop léger (même si l'idée de faire partir un tel chaos d'une simple dispute entre deux enfants s'intègre bien dans les thématiques du film sur le papier, dans les faits c'est un peu trop simpliste), Colossal se transforme en banal de film de monstre bas de front. Adieu l'intime, place à un retournement de situation abracadabrantesque qui évacue tout l"intérêt de la première partie et transforme le film en ce qu'il avait réussi à éviter d'être.
C'est d'autant plus rageant que l'espace d'une heure, on pouvait voir en Colossal le meilleur film de ce début d'année bien morne, la petite pépite sortant de nulle et arrivant à damer le pion à des concurrents bien plus ambitieux. Mais bon... à défaut d'un bon film, on se retrouve face à une curiosité.