On se compare le calibre à la récré

Oh la la, quelle frustration. Sous un capharnaüm de bonnes idées, derrière un montage au hachoir, à l’ombre d'un amas de personnages qui ne prennent jamais le temps d’exister, se planque une sacrée proposition quand même. De la bastos bien sèche, des mandales nerveuses à souhait qui te chatouillent la moelle épinière sans faire de manières et des petits dialogues écrits par des poètes de la punchline assassines en mode cour de prison : la remise sur terre du petit nouveau par un Joey Starr cabotin va faire recette, c’est certain. L’homme ne te baise pas, il te fait l’amour, à défaut de nuancer son rôle, celui d’un bonhomme avec un grand b, la mâchoire serrée, les poings déliés, prêt à faire de toi son plus fidèle ami à grand coup de lattes dans le dentier.


A l’origine de Colt 45, une production chaotique, et ça se ressent. On ne peut qu’imaginer le film avec une histoire qui ne se contente pas d’aligner les scènes fonctionnelles mais prend le temps de construire un peu plus ses personnages et les enjeux qui les définissent. Comment s’attacher, dans le cas présent, aux différentes fortes têtes en présence quand elles n’existent que pour appuyer sur la détente au moment opportun. Tout est précipité, rien ne se construit réellement, les corps tombent sans susciter rage ni émotion, sinon l’admiration furtive d’un geste précis quant il imprime sur écran une violence acre qui file le frisson.


Perdu entre deux têtes d’affiche qui se contentent de montrer la ganache qu’ils facturent grassement, se débat le jeune Ymanol Perset pour imposer son physique et son envie d'exister dans un film qui ne prend jamais le temps de se construire. Il est l’une des seules composantes en présence qui respire la sincérité, avec quelques moments de bravoure, caméra à l’épaule, qui mettent à l’honneur une violence sèche et efficace que l’on trouve rarement dans le cinéma français à ce niveau de percussion.


Colt 45 est une œuvre bancale, manquée dans les grandes largeurs, qui sait toutefois se rendre attachante par son intention de mettre un coup de tête au polar hardboiled à la française. Si le résultat est loin d’être le coup de dynamite espéré, il laisse présager de belles choses pour la suite. Il n’y a plus qu’à espérer que Fabrice Du Welz saura trouver meilleur support pour son prochain bébé, si tant est qu’il reste dans le même genre d’exercice. Cela dit, ayant particulièrement apprécié son Calvaire, s’il décide de lâcher le polar pour un nouveau conte halluciné, je ne dis pas non. Affaire à suivre, donc.

oso
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le 31 janv. 2015

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