Pour les beaux yeux de Val
Après 2 minutes de film, le spectateur a droit à une scène d'action avec ce que l'on suppose être Val Kilmer, sauf qu'on ne voit jamais son visage. Je me suis alors demandé si le film était juste mauvais ou si Kilmer était devenu incapable de tourner une scène d'action. Après une petite recherche sur IMDb, j'apprends que le film a été remonté par un des producteurs qui a ajouté les scènes d'action, estimant que le film était trop calme. Kilmer a refusé de tourner les nouvelles scènes, sans doute par fidélité à l'auteur (ou à son contrat d'origine), c'est pourquoi on ne voit que très peu la tête du héros dans les scènes musclées. À la base, Burmeister, l'auteur, avait imaginé ce film comme un projet indie, calme, sans grosse violence, et c'est la faute à Kevin Spacey, un des producteurs, si le film a sombré dans la série B puisqu'il a vendu le film à ce producteur désireux de faire monter la testostérone, et ce sans le consentement de Burmeister. Maintenant, est-ce que ça en aurait fait un autre film ? Puisque le producteur s'est contenté de refilmer certaines scènes, je ne sais pas. Je ne crois pas. En tous cas, c'est cette version remontée que j'ai vu et que je critique. Il faut aussi savoir que le scénario a permis à l'auteur de remporter un concours.
La mise en scène est très mauvaise. Le scénario n'est pas terrible, mais vraiment, la mise en scène n'aide pas à améliorer les choses. Les plans sont maladroits, le montage aussi : des séquences en parallèle pour rien, une caméra qui s'attarde sur des éléments insignifiants, ce qui perturbe la lecture de l'histoire, un surdécoupage même lorsqu'il n'y a pas d'action, des scènes d'action où l'on ne comprend pas grand chose de ce qu'il se passe. Un ton qui fait souvent sourire, parce que la caméra bouge sans arrêt alors que le dialogue est censé être posé. Val Kilmer joue bien dans ce film, ça faisait longtemps, donc c'est appréciable. Le problème, c'est qu'il ne convient pas au rôle, dans lequel j'aurais vu quelqu'un un eu moins beau gosse. Car le bougre, même s'il n'a plus sa silhouette de pilote d'avion, est tout de même un peu moins gros qu'il y a 10 ans. Et dans ce film, ses beaux yeux sont trop mis en valeur. Il a beau avoir ramené son maquilleur de Tombstone pour le vieillir, ça ne passe pas il n'a pas la gueule assez cassée. C'est d'autant plus risible lorsqu'on le confronte à son ami qui lui a vraiment une tête de loser. Par moment, on se croirait dans une parodie de Rainman tant le duo ne convainc pas! Les acteurs secondaires sont moins convaincants aussi.
Le scénario n'est pas terrible : c'est mou, ça manque de conflits. Au final, il s'agit surtout d'un film où le personnage passe son temps au téléphone. En soi, ça ne me dérange pas, sauf que les dialogues ne sont jamais très relevés : les personnages parlent de leur vie, mais leur vie ne parle pas au travers de leur bouche (ni de leurs actes). Les personnages paraissent ainsi peu creusés, sans réelle épaisseur, juste bon à délivrer leur biographie en mode dramatique. Les résolutions viennent un peu de nulle part et puis on n'évite pas le grotesque de l'incohérence (le héros qui dit à son pote de ne jamais utiliser un portable pour appeler des gens et qui le fait 4 fois sur 5...). Il y a aussi de gros problèmes de rythme liés à la mise en scène, c'est vrai : par exemple l'ami qui stoppe une conversation pour éteindre la musique : ça ne raconte rien ; ou encore un moment gênant où un personnage met le héros en attente pour remplir une tâche liée à son boulot de secrétaire : ça ne raconte absolument rien et on attend comme le héros, que le dialogue reprenne... Il y a aussi une construction atemporelle qui dérange un peu, mais une fois de plus, je ne sais pas si c'est un problème d'écriture sur papier ou d'écriture sur la table de montage... toujours est-il que le résultat ne convainc pas, que ce procédé ne fonctionne absolument pas, ne sert à rien.
Bref, beaucoup de maladresses dans ce film, tant dans le scénario que la mise en scène. Je ne pense pas qu'on puisse donc imputer la faute uniquement à ce producteur qui a voulu mettre de l'action, car il y a clairement des idées qui sont mal traitées dès le début ; je serais tout de même curieux de découvrir la version Sundance, ne fut-ce que pour vérifier que le montage soit bel et bien moins nerveux. Pauvre Val, ce n'est pas encore avec ce projet que tu remonteras la pente !