Le film se déroule sous le soleil de Naples, où Mario et Lino, amis inséparables, vivent des journées qui se succèdent de la même manière au milieu de difficultés familiales, sentimentales et professionnelles. Tout change lorsque la petite sœur de Lino, Annaluce, commence à faire des miracles, étant reconnue comme la patronne du quartier. La première œuvre de Silvia Brunelli, tirée du livre du même nom de Vincenzo Restivo, raconte, à côté d'une histoire de miracles et de sainteté, un voyage de découverte sentimentale-érotique entre deux amis.

Paolo Sorrentino, lauréat du Lion d'Argent au 78e Festival du Film de Venise à dit à cette occasion : "Naples est une ville de promiscuité : On y trouve de tout : de l'érotisme, de la beauté, du sacré et du profane"

Silvia Brunelli semble pleinement adhérer à cette description si on en juge par sa première réalisation : « La santa piccola » Car ce sont bien ces quatre éléments qui s’y mélangent.

Le début du film est émouvant et drôle : Lors d'une procession religieuse dirigée par 'une colombe s'écrase sur la statue de la Madone et tombe sans vie au sol. Une petite fille aux yeux clairs et aux cheveux blonds s'approche d'elle, la caresse et la colombe prend son envol, pour tout le monde c'est un miracle.

Le film commence par une combinaison irrévérencieuse d'hymnes : celui à la Madone et celui à l'équipe de foot de Naples. La grammaire du film se construit dès ces premiers instants : il va naviguer entre superstition, religiosité, profane et érotisme. Le décor napolitain apporte une bonne touche de réalisme, également grâce à l'utilisation du dialecte.

Si, effectivement « Comme par miracle » raconte la consécration d'Annaluce comme nouvel objet de vénération du quartier, (basée sur une forme de religiosité contaminée par la superstition et le besoin de croire au surnaturelles) on comprendra vite que les véritables protagonistes de l'histoire sont un couple d'amis d'une vingtaine d'années, les plus réticents à se laisser aller à l'hystérie collective envers « l'enfant miracle ». Le premier est Lino ( Francesco Pellegrino ), le frère aîné d'Annaluce, pour qui il représente une figure protectrice et affectueuse, (c'est lui qui prend soin de sa petite sœur, bien plus que sa mère est capable de le faire, et c'est lui qui lui promet " une maison propre et belle ", rêvant de possibilités économiques encore inaccessibles). L'autre, Mario ( Vincenzo Antonucci ), travaille comme mécanicien et partage presque tout son temps libre avec Lino, notamment les matchs de football, les balades en moto et les soirées en discothèque.

Ainsi, le long métrage fait alterner la sainteté de la petite Annaluce, enfermée dans sa chambre aux tons chauds et lumineux devant une Madone au halo qui s'éclaire d'un néon bleu et les tons charnels des corps des corps de Lino et de Mario ils sont étudiés, analysés, par un regard sensible dont le but n'est pas la jouissance ou la beauté, mais d'exposer la vulnérabilité qui se cache derrière leur virilité.

Car Lino, se retrouve vite partagé entre son sens des responsabilités envers les siens (à commencer par une mère désorientée qui n'arrive pas à subvenir aux besoins de la famille) et les nouvelles perspectives qu’il découvre :

Grâce à son charisme et son allure séduisante et après avoir entraîné Mario, dans une partie à trois avec une belle femme que ça excitait , il découvre qu’il peut vendre ses charmes dans des soirées e discothèque.

Mario, plus calme et introverti et qui ne sait pas dire non à Lino accepte de l’accompagner dans ces trios sexuels, mais il se rend vite compte qu'il éprouve une attirance intense pour Lino : une attirance qu'il sent ne pas pouvoir révéler, mais qui s'accompagne d'une tendresse de plus en plus évidente. D'une camaraderie fraternelle, leur relation évolue donc vers quelque chose de plus ambigu et sans doute plus profond ; et la passion de Mario pour son ami, sa conscience progressiste, acquièrent une importance toujours plus grande dans l'économie du film, mais avec une spontanéité qui évite les clichés et ne semble jamais didactique.

Francesco Pellegrino et Vincenzo Antonucci, respectivement Lino et Mario, sont excellents y compris dans les moments physiques, exposés et décomplexés ce qui leur donne une crédibilité saisissante ; Ces « excès » charnels apparaissent par moment presque sacrés.

Francesco Pellegrino dessine son Lino avec le juste mélange entre une confiance légèrement audacieuse et un sentiment discret de peur et de perplexité, destiné à prendre le dessus à l'approche de la finale ; tandis que Vincenzo Antonucci, avec une interprétation entièrement basée sur l’intériorité, laisse émerger naturellement le désir secret et l'enchevêtrement des sentiments dans l'âme de Mario, en s'appuyant sur une expressivité silencieuse mais on ne peut plus explicite.

Le sacré devient superstition, le profane devient amour sacré, les hymnes sacrés alternent avec les chants du stade de Naples, le réalisme laisse place au kitsch le tout se rejoignant dans le thème central : le désir d'échapper à la condition dans laquelle ces personnages vivent, alors que la perspective d'une nouvelle et meilleure vie semble plus irréaliste qu'un miracle.

Brunelli parle de précarité et de maladie mentale, en détruisant le voile de condescendance de l'entourage de Lino et Annaluce. Son premier film est une œuvre courageuse qui raconte avec légèreté une histoire tragique et qui ironise avec légèreté sur la complexité des relations, la responsabilité, la sexualité, la nudité, le contact physique et les croyances populaires.

C’est presque du néoréalisme contemporain qui décrit la vie quotidienne des protagonistes et la grisaille du contexte social sans s’y appesantir, préférant s'accompagne de compréhension et d'empathie pour les personnages et bénéficiant d'un solide équilibre narratif qui ne tombe dans le grotesque que l’histoire du miracle aurait pu faire craindre.

Si l'intrigue, entre obsessions pseudo-religieuses et homosexualité refoulée, a déjà donné des films et des romans d’inspiration mélodramatique, « Comme un miracle » reste fidèle à son ton initial et ne cherche pas le drame à tout prix, ce qui le rend plus sincère et engageant.

Par sa sensibilité et l’originalité de sa vision, voici une première œuvre aussi agréable que prometteuse.

#henrimesquida #cinemaetlitteraturegay

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HENRI MESQUIDA

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