L'énigme de l'acier... et d'un grand film

Pourquoi ? Comment ?


Jamais je ne me définirais comme particulièrement "masculin". Je suis sensible et je n'en ai pas honte. La nostalgie d'un temps où "les hommes étaient de vrais hommes" et je ne sais quoi encore, très peu pour moi. Cela ne veut pas pour autant dire que je crache sur les bons films d'action bien testostéronés, que ce soit Die Hard, Terminator, la grande majorité des James Bond ou même Le Seigneur des Anneaux et Star Wars - mais je crois que tous ceux que je viens de mentionner ont une approche soit moins nihiliste et donc plus familiale, soit carrément second-degré dans le cas de 007. Ajoutez à cela la personnalité d'abord peu recommandable du réalisateur John Millius, ultra-conservateur et défenseur acharné du second amendement, et vous avez la recette pour un film que je devrais en toute logique détester (tout comme je déteste l'autre film emblématique de Milius, Red Dawn).


Seulement, voilà : Conan le Barbare, c'est Arnold, c'est Schwarzy, c'est Gouvernator, c'est Dutch. Le rôle est taillé à la mesure de ses biscottos, et Arnie, pour moi, c'est comme William Shatner que j'ai récemment mentionné dans mes critiques des films Star Trek : pas le meilleur acteur du monde, mais un charisme incomparable, qui traverse l'écran pour vous saisir par le colback avec son poing massif et vous emmène se battre avec lui contre une horde de cavaliers sanguinaires. Et c;est juste trop bon, même pour un maigrichon comme moi ! Chaque fois que j'entend son discours sur le tumulus, j'éprouve des frissons et une incroyable montée d'adrénaline s'empare de moi.


Conan c'est aussi Basil Poledouris, compositeur emblématique des années 80, qui signe là son chef-d'oeuvre absolu. Le thème principal est une véritable invitation à l'aventure, pour ne rien dire du choeur lors du raid sur le village au début du film et de la bataille du tumulus. Mais la bande-son comporte aussi des thèmes beaucoup plus mélancoliques et romantiques, et le crescendo lors de l'orgie est exécuté de main de maître. Quoique l'on pense du film lui-même, il est difficilement contestable que le grand Basil a composé rien de moins que l'un des plus grandes bande-sons originales de l'histoire du cinéma.


Conan c'est encore un des grands méchants oubliés des années 80 : James Earl Jones, qui non content de prêter sa voix à Dark Vador, campe ici l'effrayant Thulsa Doom, monstre de magnétisme et de cruauté tranquille. C'est aussi Sandahl Bergman, Mako, Jerry Lopez ou encore l'incontournable Max von Sydow, tous impeccables dans leur rôle. C'est également Ron Cobb aux décors, Duke Callahan à la cinématographie et John Bloomfield aux costumes, qui tous ensemble ont créé un monde unique, à l'ambiance presque baroque tant elle exhale le culte de la violence sous toutes ses formes.


Et pour finir, à tout seigneur tout honneur, mais Conan, c'est incontestablement aussi John Millius lui-même. On peut ne pas adhérer aux propos de l'intéressé, il faut reconnaître que Milius est un orfèvre hors-pair, qui sait faire passer un message sans toutefois devenir un ideologue. Il serait facile de croire que Conan The Barbarian n'est qu'un énième fil d'action stupide comme Arnold a pu en tourner des dizaines à cette époque. Il contient certes pas mal d'éléments nanardesques, mais l'histoire est avant tout celle d'un enfant arraché à sa famille et élevé dans la violence la plus totale, ne vit que par elle et que pour elle. L'image final d'un Conan solitaire et barbu sur son trône renvoie à la citation de Nietzsche ouvrant le film : "Was mich nicht umbringt, macht mich starker" : envers et contre tout, Conan est arrivé à se défaire de ses ennemis, mais à quel prix ? Milius aime donc cette idée d'un monde bien macho, iconoclaste et sans pitié pour les faibles, mais il ne l'idéalise pas pour autant. Il est juste regrettable que pour en arriver à cette fin certes satisfaisante, Milius ait ait recopié sa sequence écrite pour Apocalypse Now, à savoir l'assassinat du grand méchant devant son armée d'idoles, en pleine fête paienne. Ce manque d'originalité lui coûte sa dernière étoile.


Il y a donc une sincérité et une absence de cynisme dans le film de Milius (au contraire de Red Dawn dans lequel les méchants Russes sont stormtrooperisés par des ados américains ultra-patriotes, détruisant ainsi la crédibilité d'un film pourtant non dénué de qualités) qui, quoiqu'on en dise, contribuent à sublimer ce qui n'aurait pu être qu'un nanard (le succès du film en engendra d'ailleurs un bon paquet, à commencer par sa suite pitoyable - sans Milius mais avec Richard Fleisher aux commandes, lequel malgré son talent ne prenait pas la fantasy au sérieux). Ajoutez à cela, comme je l'ai dit, un Schwarzie croquant à pleines dents son billet d'entrée dans la cour des grands, un casting attachant, une bande-son inouie et un univers foisonnant, et vous obtenez le meilleur film de Fantasy... jusqu'à ce qu'un jeune Néo-Zélandais, fan avoué du film de Milius, detrône le maître vingt ans plus tard, exactement comme Conan a détrôné Tulsa. La boucle est bouclée. Heureusement que tu as le sens de l'humour, Crom, car sinon... TO HELL WITH YOU !!!

Szalinowski

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