Les Marionnettes d'Hanoï.
C'est un hasard fortuits qui m'a conduit dans la salle obscure cette fois-ci ; Peu informé que je suis de la question indochinoise, et me faisant, relais de l'indifférence toute française qui concerne cette partie de l'histoire coloniale (contrairement à l'Algérie, la Centrafrique....), l'idée m'est venu presque inconsciemment, par désœuvrement.
Comme toutes ces fois où l'on refuse des invitations (d'art ou de représentations abstraites, qui croisent loin de nous) et que, parfois, l'on accepte et qui, finalement, se révèlent être de formidables expériences.
Ainsi (ayant fini mon baratin je passe à mes impressions, si toutefois vous n'avez toujours pas décroché !), me voici emmené dans l'Indochine d'avant-guerre. Le film est un docu-fiction, tourné presque illégalement (on connaît les rigueurs du régime Vietnamien, encore aujourd'hui (le film se concentre sur ce pays, il n'est quasiment pas question du Laos ou du Cambodge)) par un cinéaste français d'origine vietnamienne, Lam Lê (que j'ai eu la chance de voir après le visionnage).
Anciennement étudiant en histoire, j'en ai pourtant appris des choses. Le film se base sur les témoignages de vietnamiens encore vivants (qui ont tous près de 100 ans voire plus) sur leur "déportation" du Vietnam jusqu'en France au moment de la déclaration de guerre en 1939, de la France à l'Allemagne.
"Déportation" effectuée dans des conditions inhumaines d'environ 20 000 indochinois dans "l'espoir" (ils sont illettrés, très jeunes et sous-équipés) d'en faire des soldats.
Or il apparaît qu'à leur arrivée en France, seul 7500 seront vraiment soldats, le reste entre dans les usines d'armement, les poudrières où des centaines meurent à cause d'inhalation de la poudre, les conditions de vie dans les camps où ils vivent, l'accueil des populations qui les considèrent comme étant des sous-hommes et la sous-nutrition, le froid.
De fait, l'expérience cinématographique est intéressante en cela qu'elle éclaire des évènements jusqu'alors très flous, dans un montage exceptionnel de recoupage des mémoires et avec la sensibilité asiatique de Lam Mê (notamment lors de scènes de marionnettes sur l'eau du théâtre d'Hanoï fabuleuses qui rythment la trame).
Certains diront que le film est "stigmatisateur" des consciences, des mémoires de l'Etat français, il y a un peu de ça. Mais le travail effectué est tel, novateur et va même plus loin que le problème de la colonisation car dans sa chronologie il couvre une période allant de 1939 aux lendemains de la guerre d'Indochine, relevant, au passage des aléas et contradictions de l'Histoire qui nous sont méconnus que l'on ne peut rester insensible, sinon se sentir interpellé par le sujet.
D'autre part, les musiques sont magnifiques, le rythme presque impeccable, la fin se traîne mais l'on ne s'ennuie pas et surtout, le tryptique descendante française (qui fait le lien avec la "mère-patrie" d'aujourd'hui) lectrice d'Aimé Césaire, témoignages vivants et scènes de fiction marche à merveille.