James Wan est un cas ! En 15 ans de carrière, aucun de ses films ne laissent indifférent. S’ils ne sont pas tous parfaitement aboutis, comme « Saw », « Conjuring, les dossiers Warren » ou dans une moindre mesure « Dead silence », « Insidious » (magnifique quartet !), il en reste toujours des souvenirs étonnants, séquences, plans ou une ambiance toute particulière… the touch Wan !
« Conjuring 2 » est aussi critiquable qu’appréciable.
Je commencerai par les écueils sur lesquels le film aurait dû s’échouer, fort heureusement il n’en est rien. L’immersion dans le récit se fait par une fenêtre d’entrée des plus particulières, ou plutôt deux, celles d’Amityville. Cas traité par les Warren certes, mais qui n’apporte absolument rien à l’histoire si ce n’est un petit côté opportuniste. Cela nous occupant qu’un bref quart d’heure, ce n’est pas trop gênant. C’est pourtant bien révélateur de la suite. Le scénario est quand même un beau fourre-tout, véritable florilège de tous les grands thèmes ou films d’épouvante de ces dernières années… « L’exorciste » bien sur, en passant par « La nonne », « Poltergeist », « Mister Babadook »… jusqu’au caméo clin d’œil de « Fast and furious ». Hors, le genre horrifique se tient, comme les contes de fées du reste, uniquement s’il reste cantonné à un univers à ambiance indivisible, s’il respecte une temporalité (peu de césure du récit, un début, un milieu et une fin, elle est ici tronquée) et bien évidemment ne vient pas mélanger les vieilles recettes ésotériques au risque de faire tourner la potion magique.
Mais Wan, plutôt que de nous faire pâlir d’erreurs, se joue du spectateur à qui il offre son opulence cinématographique ainsi que son sens inné de la facétie. Qu’importe la faconde pourvu qu’il ait l’ivresse ! Et là, il s’impose en Maître ! Certaines séquences sont tout simplement époustouflantes de créativité (Lorraine en Ronald DeFeo, l’ombre de la nonne, le croquemitaine acrobate…). Il sait mieux qu’un autre introduire l’angoisse, en filmant en contre-plongée deux mères de familles qui se rendent à la buanderie par exemple, ou à grand renfort de jump scare éprouvants.
La force du film se révèle également, dans le traitement du scénario. Tout comme « L’emprise » de Sidney John Furie (et bien d’autres d’ailleurs), Wan prône pour des yeux extérieurs, pendant les deux tiers de l’action, l’apparente hystérie de Janet, qui devient pandémique. Tout peut laisser à croire en effet à une supercherie (trajectoire du fauteuil hanté devant la police, comportement trouble de la fillette quasi seule témoin des apparitions, la scène de la cuisine…). La chambre (impeccablement reconstituée) devenant alors une sorte théâtre grandguignolesque. Tout cela jusqu’à ce que les Warren aient un flash. C’est l’éternel conflit entre les septiques et les victimes qui est mis à jour. Habile !
Cet amour indéniable qu’il porte au genre horrifique, et son incroyable culture dans le domaine font qu’il fait mouche la plupart du temps. James Wan apprécie le cinéma populaire, à prendre au sens noble du terme, il sait donner au spectateur ce qu’il attend. Il se fait plaisir autant qu’il en donne. On pourrait d’ailleurs le comparer à un ponte du vieil Hollywood, Robert Wise. Protéiforme dans leurs choix (avec quand même une nette tendance à l’artifice) Wise et Wan sont de véritables mixeurs du grand spectacle, des artisans de l’objectif. Pas tout à fait dans le système, pas éloignés non plus, ils se donnent la chance, et à nous par la même occasion, de fabriquer les films qu’ils aiment !