Puisque Rick n’a envie de vous parler que des bons films du réalisateur culte italien Lucio Fulci, il faut bien que quelqu’un se colle à la lourde tâche de regarder ses mauvais films. Ce quelqu’un, ça sera moi, parce que je ne dis jamais non à un bon petit nanar des familles. On va commencer cette petite aventure avec Conquest, qu’il a réalisé en 1983 après La Malédiction du Pharaon (1982) et L’Éventreur de New-York (1982), en pleine période post-Conan où tous les pays y sont allés de leur clone lowcost. Ator, Sangraal, Thor Le Guerrier, Yor Le Chasseur du Futur, Dar L’Invincible, Hundra, et tous les autres. Mais Lucio Fulci décide que ce n’est pas suffisant. En plus de Conan le Barbare, il va également aller piocher dans Star Wars et La Guerre du Feu. Oui, c’est un gourmand le Lucio. Le résultat est complètement fou. Conquest est un film qui défie presque toutes les conventions. Un film qui ne ressemble à aucun autre. Un nanar hors du commun dont nos yeux ne sortent pas indemnes.
Après un générique digne d’une série TV bon marché de cette époque qui ne met pas en confiance, image fixe, écritures en blanc qui s’enchainent, nos yeux sont immédiatement et irrémédiablement soumis à rude épreuve. Un petit coup d’œil à l’image ci-dessus vous fera comprendre pourquoi. Non, n’essayez pas de régler l’image de votre écran, ça ne sert à rien. Conquest a la réputation d’être flou et d’avoir de la fumée dans toutes les scènes, et cette réputation n’est pas usurpée, bien que le terme qui serait plus adéquat est « vaporeux ». Le délire visuel est hautement improbable. On a parfois l’impression de regarder un film 3D mais sans lunettes 3D. Il y a des plans vraiment bien branlés mais qui sont malheureusement gâchés par cet effet de fumée et/ou flou. L’image est nébuleuse, comme lorsqu’on prend la route tôt un matin brumeux d’automne et qu’on y voit comme à travers une pelle. Quand on voit la gueule des hommes loups en début de film, on se pose tout de même la question de savoir si tout cela n’est pas voulu uniquement dans le but de cacher la misère. Misère de décors, misère de costumes, oui, Conquest est assez cheapos. On a parfois du mal à comprendre ne serait-ce que ce qu’il se passe, sans parler des nombreux contre-jours où on ne voit strictement rien si ce n’est des formes noires. Il semble que Fulci ait eu envie de donner à l’heroic fantasy un ton presque surréaliste, expérimental, comme si on avait gobé une poignée de champignons hallucinogènes. L’ambiance qui règne est très étrange, proche de l’onirisme, avec un choix de couleurs pastels. Conquest est plus une expérience sensorielle qu’autre chose, il nous demande de nous asseoir, d’ouvrir nos yeux et nos oreilles. Le spectacle visuel est étrange, tantôt hallucinant, tantôt WTFesque, bercé par une partition électrorock de Claudio Simonetti, leader du groupe Goblin, donnant aux images un côté encore plus improbable.
Conquest est donc une sorte de croisement entre Conan Le Barbare, La Guerre du Feu et Star Wars, le tout saupoudré d’une pincée d’érotisme (quelques plans boobs ci et là), de moments bien gores car on ne change pas un Fulci qui gagne, le tout à la sauce « j’ai sniffé un truc avant de pondre ça ». On y trouve pêle-mêle : un Conan impassible, des marionnettes d’oiseaux bon marché, de la fumée, une midinette écartelée, des zombies des marais, de la fumée, des illusionnistes qui ressemblent à des robots, des corps transpercés, de la fumée, des wookies qui perdent leur masque, des serpents, de la fumée, du cannibalisme, des dauphins détacheurs de liens (si si, je vous jure), des effets laser grattés à même la pellicule, des blessures qui suintent, de la fumée, des costumes moches, un masque d’or, une fin qui vaut son pesant de cacahuètes, de la fumée, et un peu de fumée aussi. Le scénario est d’une banalité hors normes, avec moult péripéties permettant de ne pas (trop) s’ennuyer, même si l’ensemble est malgré tout assez mou à cause de chorégraphies de combats inexistantes, faites à la va-vite. Qui est cette reine casquée et nue ? Aucune idée. Pourquoi les gens se transforment en hommes-chien ? On ne sait pas. Quelle est la langue que parlent ces indigènes ? On s’en fout. Le scénar ne nous explique rien, le héros est tout en contradiction – il préfère les animaux aux humains mais il bouffe des animaux et se lie à un humain -, les dialogues font parfois preuve d’une crétinerie sans nom, les SFX sont vraiment très kitchs, à l’instar de cet arc bleu fluo ou de cette nuée de flèches toute moche. Mais tous ces problèmes deviennent presque une force car ils plongent Conquest dans le nanar de compétition. Car tout est tellement foireux, tout est tellement à côté de la plaque, ou tout est tellement out of this world, qu’il faut le voir pour le croire.
Conquest est un film un peu fou, à mi-chemin entre le trip onirique, l’expérience sensorielle et l’heroic fantasy fauchée. Sans doute un des films les plus ratés de Lucio Fulci mais qui pourtant vaut le coup d’œil.
Critique originale avec images et anecdotes : DarkSideReviews.com