Conquest
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Film de Sadao Nakajima (1982)

En 1982, la Toei qui n'a plus sorti de film de yakuzas depuis deux ans cherche à relancer le genre en produisant un véritable blockbuster. C'est à Sadao Nakajima qu'est confié le projet, lui qui a déjà réalisé une fresque ambitieuse (Japan's Don) quelques années plus tôt et connaît bien le sujet, le Milieu d'Osaka.

La Toei réunit donc un casting XXL. C'est simple, hormis Ken Takakura qui fait figure de grand absent, toute la crème du cinéma des trois décennies précédentes est à l'affiche. Toshirô Mifune dans le rôle du parrain, Mariko Okada son épouse, Bunta Sugawara et Tomisaburô Wakayama pour jouer les capitaines, Kôji Tsuruta en médecin, et une pléthore d'acteurs connus des aficionados du genre pour compléter cette grande famille : Akira Kobayashi, Tetsurô Tanba, Shin Kishida, Asao Koike, Tatsuo Umemiya, etc. qui marqueront des apparitions plus ou moins importantes.

Le film retrace la guerre qui a ensanglanté Osaka dans la deuxième moitié des années 1970. Une période très contemporaine pour Nakajima qui s'est déjà emparé plusieurs fois du sujet. Le Yamaguchi-gumi (ici appelé Taniguchi-gumi) s'est considérablement étendu durant la décennie précédente et avec 600 groupes et 15 000 membres il représente dorénavant la première force du pays. Mais en 1978, un gang d'Osaka tente de venger l'un des siens en assassinant le grand patron du Yamaguchi. L'attentat échoue (le boss est tout de même touché par une balle et sa santé décline à partir de là) mais n'est pas sans déclencher une vague de représailles qui va secouer la ville. De même qu'elle aiguise l'appétit des capitaines qui veulent se mettre en avant, avec l'intention d'occuper une place de choix si le Don survit, ou de prendre sa place dans le cas contraire...

L'originalité de cette fresque de 2h22 tient dans le fait qu'a partir de cet événement on va suivre une multitude de personnages dans leurs actions et leurs choix respectifs. La fille du boss et son amant journaliste. Le fils a priori rangé mais mis sous pression par les enquêteurs. Les capitaines et leurs déboires personnels. Les soldats qui cherchent à briller. Bref, plus que Le Parrain c'est un peu Les Sopranos avant l'heure. Avec un point commun avec ces grandes sagas : l'amour immodéré des enfants que ces parrains brutaux souhaitent à tout prix écarter de la voie criminelle. Signe des temps, les épouses et les femmes tiennent ici des rôles de premier plan, en particulier la femme du Don et sa fille.

Ce traitement centré autour d'histoires personnelles et familiales peut déconcerter, tellement on est loin des standards du genre. Il y a très peu de scènes d'action et deux ou trois meurtres "seulement". Le film tourne beaucoup plus autour des sentiments personnels et de la loyauté des uns envers les autres, sans toutefois atteindre le niveau de cynisme auquel nous avaient habitués les réalisateurs de la décennie précédente lors de la période jitsuroku. C'est le reproche que je peux lui adresser, certains personnages sont presque trop lisses ou trop parfaits, et Nakajima abuse un peu du pathos et des gros plans sur les visages émus avec les violons en fond sonore.

En revanche, pour le casting, c'est parfait. Pour certains des acteurs c'est un peu le chant du cygne : la carrière de Mifune est derrière lui, Okada n'avait plus tourné depuis plusieurs années, Tsuruta est déjà très malade (il n'apparaîtra plus que deux films après celui-ci). Mais quel plaisir de les voir réunis ici. Il est également amusant de retrouver des seconds rôles, qui jouaient les sous-fifres dans les films de Fukasaku ou Nakajima dix ans plus tôt, incarner ici des lieutenants de premier plan, comme si l'on suivait l'évolution de leur carrière et leur ascension dans la famille.

Au final, malgré ses qualités certaines, le film ne rencontrera qu'un succès modéré au regard de son budget et ne trouvera pas son public. Trop sentimental peut-être, trop mou parfois, trop décalé avec son époque qui regarde aussi les yakuzas au cinéma avec moins de bienveillance qu'autrefois. Cet échec scellera le sort d'un genre qui a fait les beaux jours du studio pendant une quinzaine d'années.

Yushima
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le 3 nov. 2024

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