La leçon de Cinéma
Je me souviens avoir salué à l'époque de sa sortie le seul "Conte des Quatre Saisons" à renouer avec la veine des meilleurs Rohmer, celle du marivaudage amoureux et des mensonges maladroitement...
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le 9 sept. 2017
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Rohmer, cinéaste atypique même au sein du mouvement de la Nouvelle Vague dont il est l'un des "créateurs", sa vision particulière du cinéma et surtout son style classique radicalement différent de ses camarades modernistes sont les principaux éléments qui ont fait sa réputation, notamment dans son rapport à la réalité.
Rohmer est un humaniste modeste; ses films montrent la vulnérabilité, la confusion et l'agitation de ses personnages. Formellement et stylistiquement, il n'impose pas de point de vue ou d'interprétation de ce qu'il filme, et il n'essaie pas de fabriquer un sentiment ou un moment. C'est plutôt le genre de cinéaste qui observe attentivement ses personnages et les situations qu'ils vivent de manière détachée, neutre, profondément respectueuse et surtout modeste. Il formule son propre rythme, sa propre complexité afin de découvrir et de montrer la beauté et l'âme, l'essentiel. Les films de Rohmer captivent le spectateur de part l'importance de la sensualité qu'il filme; ainsi dans Conte d'Automne, on a droit au chant des oiseaux qui gazouillent, aux jeux de lumière et d'ombre sur les visages, à des sourires furtifs lorsque les personnages se découvrent, au vent qui jaillit et ainsi de suite. Ce sont des moments de pur réalisme d'une beauté saisissante. Conte d'Automne est un film pratiquement sans faille, une vraie exploration musicale et lyrique de la vie.
En effet, bien que la plupart du film se passe dans un cadre naturel tout à fait splendide, Rohmer ne se livre à aucune vision romantique de ce monde naturel. Au contraire, il le capture, toujours avec son ton neutre habituel, dans le cadre de la vie quotidienne de ses personnages. Par exemple, la connexion innée entre le personnage de Magali et son vignoble, le rôle important qu'il joue dans sa vie est établi dans des scènes filmant la vallée du Rhin, où sa silhouette domine le cadre pendant qu'elle se promène à travers les plantes.
Il est difficile de nier la beauté innée de la campagne et des petites villes composant le cadre de cette histoire, la façon qu'a Rohmer de filmer si délicatement et insidieusement ces lieux imprègne le film, et par conséquent le spectateur, d'une légèreté instantanée envers la simplicité de la vie. Conte d'Automne est un témoignage humaniste réaliste, une célébration de la vie et de toutes ses ambiguïtés et incertitudes. Et il y a beaucoup à dire de cette "parcelle", qui constitue la période de l'âge mûr, "l'automne" d'une vie. C'est la période où l'on peut supposer que les choses sont à leur place, ou devraient l'être du moins, la période de la vie ou l'on atteint un certain degré d'épanouissement et de bonheur et ou l'on est apaisé à mesure qu'approchent les dernières années de notre vie. Rohmer révèle toutefois, de façon assez magistrale, les ambiguïtés, incertitudes, peurs, ou les sentiments d'agitation chez les personnes d'âge mûr.
Chose qu'on peut d'ailleurs remarquer au travers du personnage de Magali, une femme vigneron, qui vit seule. Notamment dans une très belle scène de conversation avec une vieille amie. C'est une scène remarquable dans la manière dont la révélation de notre personnage arrive, elle révèle dans une poussée d'émotion sa profonde solitude. On a ici un simple échange de mots entre les deux personnages, une ligne de pensée suivie, et on découvre soudain que cette femme, à l'extérieur rude et forte, est pourtant une personne habitée par une certaine fragilité et une profonde nostalgie. Son objectif de trouver un partenaire devient la force motrice de la narration et le centre de l'intrigue.
Grâce à un cadrage précis, des coupes judicieuses, une attention toute particulière au jeu de lumière naturelle et une conception sonore constituée de "vrais" sons texturés, ce film nous donne un réel sentiment d'émerveillement. Il se suit avec élégance, rapidement et sans effort, en nous offrant toutes ses qualités de sentiment et d'émotion. Pour Rohmer, la mise en scène implique la création de l'histoire par des constantes très importantes, une présence scénique des acteurs, de leurs mots, de leurs gestes, le ton de leur voix, mais aussi le cadrage et le découpage.
En résumé, on tient là un film qui brille par une complexité bien plus vaste que ce que l'on ne pourrait imaginer au premier abord. Rohmer a structuré Conte d'Automne sur des moments d'intrigue, de tromperie et de désir. Une bonne partie de l'intrigue repose sur les conséquences potentiellement désastreuses d'usurpation d'identité et de méconnaissance, deux thèmes qui font étonnamment penser à du Hitchcock classique. En particulier, les sentiments cachés au long du film, qui révèlent un certain réalisme dans la construction des personnages. Un film ou le cinéaste révèle l'harmonie et l'équilibre au milieu du mensonge, et toujours filmé avec ce classicisme formel caractéristique.
Un très bon film qui devrait inciter n'importe qui à essayer d'approfondir sa connaissance de l’œuvre de ce cinéaste.
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le 25 oct. 2016
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