Quatrième et dernier conte saisonnier pour Éric Rohmer, qui se déroule en automne. Oui, comme moi, vous ne l'auriez jamais deviné. L'automne, ce ciel qui peut paraître aussi clair que celui de l'été, mais avec un léger ton orangé signifiant un petit fond d'air frais pas désagréable, faisant corporellement ressentir la fin de la longue pause estivale. L'automne, c'est quand on se goinfre goulûment de raisin. Ce rappel du goût délicieux de ce fruit me permet une transition en bouche...


En effet, l'histoire est la suivante (je reprends une partie du résumé rédigé sur le très bon site du Ciné-club de Caen !)… Depuis que ses enfants sont partis, Magali, veuve de 45 ans, vit seule dans sa campagne et son vignoble drômois. Séparément, ses deux meilleures amies, l'une de son âge, l'autre bien plus jeune, entreprennent de remédier à cette solitude. Isabelle, la libraire, a recours au système des petites annonces, mais en cachette, car elle sait que Magali abhorre cette idée. Rosine, petite amie de Léo, le fils de Magali, pense à quelqu'un de précis : Étienne, son ancien professeur de philosophie - elle est maintenant étudiante - avec qui elle a eu une liaison...


Voilà, ce marivaudage n'est pas un comble d'originalité scénaristique, mais le style Rohmer aurait été tout à fait capable de pleinement le transcender, s'il avait été au summum de ses capacités. Après tout, Conte d'été n'a pas non plus, a priori, un scénario qui casserait trois pattes à un goéland, pourtant la perfection de la distribution, pourtant l'atmosphère dégageant une belle authenticité insufflent un état de grâce constant à cette petite pépite.


Malheureusement, Conte d'automne est la preuve que le réalisateur peut parfois se planter sur le choix de certains de ses interprètes. Je vais même plus loin, c'est l'exemple "parfait" de l'écart gênant de talent qu'il peut y avoir entre des acteurs ou actrices purement rohmérien(ne)s et des professionnels, ayant acquis une expérience solide ailleurs. Attention, il y a une belle quantité de contre-exemples d'acteurs et d'actrices rohmérien(ne)s naturellement talentueux, ayant contribué à apporter le meilleur à une œuvre du cinéaste, je ne dis pas le contraire (coucou, entre autres, à Amanda Langlet et Gwénaëlle Simon dans Conte d'été ou encore à Charlotte Véry dans Conte d'hiver... et je n'évoquerai pas Fabrice Luchini, acteur assez rohmérien à ses débuts, qui a fait la carrière que l'on sait !). Mais ce n'est pas le cas ici. Je passe sur celui qui joue Léo, semblant s'être donné comme défi d'être le plus nul possible (bravo, c'est gagné !), en débitant ses dialogues d'une manière atrocement fausse. Son personnage n'a pas, heureusement, plus que quelques répliques, pour que ce soit suffisant pour gêner considérablement l'ensemble.


Par contre, pour Marie Rivière et Béatrice Romand, si. Ce sont même elles qui "assurent" les deux rôles principaux, ceux de Magali et d'Isabelle. Et entendre des rôles principaux (sous-entendu, évidemment, avec un temps d'apparition assez important par rapport à la durée du long-métrage et avec des grosses tartines de texte à débiter !) incarner ce qui peut être la grande limite d'un Rohmer, à savoir une dose étouffante d'artificialité, ça handicape d'une façon non négligeable le tout.


Néanmoins, on peut compter sur les professionel(le)s Didier Sandre et la très charmante ainsi que pétillante Alexia Portal (portant un duo qui fonctionne, avec une belle alchimie !) pour contrebalancer ce défaut, dès la première moitié. Et lors de la seconde, le lumineux Alain Libolt, non content d'être excellent, non content de piquer joyeusement la vedette sans prévenir, apporte un dynamisme enthousiasmant avec lui. Et pour insister sur combien sa présence est bénéfique, lors d'un long échange avec le personnage interprété par Marie Rivière, il réussit l'exploit d'entraîner le jeu de cette dernière vers quelque chose de plus solide, de plus naturel, bien supérieur à celui des autres séquences lors desquelles on la voit. Donc merci beaucoup à Didier Sandre, à Alexia Portal et à Alain Libolt d'offrir quelques beaux moments de grâce dans ce Rohmer en petite forme.

Plume231
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le 23 sept. 2024

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