Le thème du film de Tadashi Imai est très proche de celui de Masaki Kobayashi, le sublime Harakiri (aka Seppuku) : montrer le versant négatif du code d'honneur du bushido, en marge de toutes les formes de célébrations classiquement mises en avant. Sans surprise Contes cruels du Bushido n'atteint pas à mon sens son niveau d'excellence mais c'est malgré tout une incursion très intéressante dans le genre, en dépit d'une forme légèrement artificielle dans sa structure : à l'époque contemporaine, suite à la tentative de suicide de sa femme, un homme tombe sur des archives familiales et se remémore les atrocités endurées par ses ancêtres samouraïs depuis le XVIIe siècle au nom de leur fameux code d'honneur.
C'est donc une œuvre qui adopte la structure du film à sketches sans vraiment en être un, en parcourant l'histoire de la famille sur sept générations depuis le début du shogunat Tokugawa jusqu'au début des années 1960. L'idée très ambitieuse, presque farfelue, est de trouver un dénominateur commun à toutes ces époques en illustrant les décisions extrêmes que les membres de la famille ont dû prendre, les situations dans lesquelles ils se sont retrouvés parce qu'ils ont suivi des codes de dévotion et de loyauté envers (selon l'époque) un seigneur, un pays, une entreprise. Ils le paient de la vie d'un proche ou de la leur, et il faudra une prise de conscience aigüe, électrique, de la part du protagoniste pour tenter de se sortir de cette ornière.
Très originale façon de parcourir la vie de ses ancêtres en tous cas, en sillonnant l'histoire à travers diverses formes de violence, à l'époque féodale ou contemporaine, entre noblesse militaire et conglomérat économique. Quelques passages impliquant un seppuku sont particulièrement marquants, mis en scène avec une sécheresse acérée et au creux d'une photographie très efficace. Contes cruels du Bushido confectionne à ce titre une charge virulente contre une partie de l'héritage national, tenu pour origine (au moins partielle) des aliénations de l'ère moderne. Dans la mise en perspective de cette persistance morbide, ce respect d'un code cruel montré comme absurde, hier envers les nobles et aujourd'hui envers l'industrie en passant par les obligations par temps de guerre, le film démontre une acuité extrêmement saillante.
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