Première moitié puissante. Pour qui ne connait pas Joy Division ou connaît, peu importe, Sam Riley impose d'emblée Ian Curtis, fragile, romantique, perdu et pourtant si habité par la foudre créatrice, par sa présence incroyable et son physique tellement proche du chanteur. Anton Corbijn choisit l'angle d'approche esthétique qui se rapproche du plus classe vu dans un biopic de groupe. On découvre par hasard au milieu de la banlieue paumée de Manchester un groupe et un chanteur débarqués de nulle part. L'atmosphère fait planer le génie en attente d'explosion. La première chanson live et plus encore le premier passage télé te clouent directement au poteau avec cette musique si captivante magnifiquement rejouée en direct qui t'envoie de la superbe poésie dark à tour de bras. Sam Riley est scotchant. Samantha Norton est aussi parfaite en femme beaucoup trop amoureuse pour en vouloir à son mari ingérable malgré lui, alors qu'il fait tant d'efforts pour mener une vie normale. Mais c'est inutile, la gloire et l'illusion de liberté qui en découle l'appellent irrémédiablement.

Annik arrive ensuite. Elle est belle et tellement charmante à son tour. Mais pourquoi faut-il dès lors se concentrer sur ce trio amoureux pas non plus omnipotent dans sa vie ? C'est beau, le mal-être est là, la mise en scène garde la belle tenue pour dépeindre cette chute si sombre vers l'irréfutable. Mais pourquoi pas un moment de processus de création ? Pourquoi pas d'histoire sur les relations entre les membres du groupe ? Pourquoi ne garder que la posture cool et mystérieuse que dégage le culte de Joy division et la mort de son chanteur pour tout miser sur l'amour et le mal-être qui marquent bien les chansons et le destin de Ian mais ne suffisent pas à tenir le niveau d'émotion de la première moitié.

Car, ça tourne en rond pas mal au bout d'un moment tout de même. L'intimité choisie comme point de vue du réalisateur contraste très bien avec l'explosion du groupe qui n'est jamais trop montrée et évite ainsi le superficiel. Mais n'empêche qu'on s'enfonce, on s'enfonce et on oublie un peu les autres et le reste. Le coach super badass sort juste quelques trucs cools de son chapeau alors qu'il y avait tant à dire sur sa relation avec le groupe. Bizarrement aussi, jamais on n'insiste vraiment sur les médicaments que le chanteur utilisait déraisonnablement. On le voit bien prendre les médicaments de sa grand-mère par pur goût de la défonce au début. Alors pourquoi ne jamais y revenir et rendre aussi innocent et candide un être fatigué par sa maladie et sa recherche vaine du bonheur ?

Je ne critique en rien les qualités du film qui finit en superbe spleen et nous fait ressortir avec une profonde admiration pour le courage et le talent de ce chanteur et une irrémédiable envie d'écouter le groupe. Mais la musique de Joy division, ce n'est pas que Ian Curtis non plus. Or, on a vraiment l'impression que les musiciens sont assez accessoires et que lui seul est le génie. Pourtant, outre la performance de l'acteur principal, la musique aide assurément à saisir l'humeur ambiante. J'aurais aimé qu'on en parle plus plutôt que de rester sur les problèmes amoureux de Ian, finalement si seul et tragiquement voué à disparaître. C'est l'axe de mise en scène et il est clairement tenu, j'en conviens...
drélium
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Héros handicapés

Créée

le 3 août 2013

Critique lue 1.8K fois

34 j'aime

2 commentaires

drélium

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

34
2

D'autres avis sur Control

Control
Torpenn
3

L'épileptique étique en toc

Autant l’avouer tout de suite, je n’ai aucun goût particulier pour Joy Division. Pour être plus précis ce groupe m’indiffère copieusement, mais bon, tant qu’il ne me donne pas de l’urticaire, c’est...

le 5 août 2013

37 j'aime

68

Control
drélium
7

Limits of control

Première moitié puissante. Pour qui ne connait pas Joy Division ou connaît, peu importe, Sam Riley impose d'emblée Ian Curtis, fragile, romantique, perdu et pourtant si habité par la foudre...

le 3 août 2013

34 j'aime

2

Control
zardoz6704
5

Très beau, mais je m'en fous, des problèmes conjugaux de Ian Curtis.

Un biopic décevant, trop centré sur Ian Curtis. Si encore le film en donnait une image vraiment fascinante, mais non. C'est juste un gamin de Manchester qui quitte son boulot à l'ANPE pour devenir...

le 27 sept. 2014

23 j'aime

5

Du même critique

Edge of Tomorrow
drélium
7

Cruise of War

Personne n'y croyait mais il est cool ce film ! Dingue ! On aurait juré voir la bouse arriver à 100 bornes et voilà que c'est la bise fraîche ! Doug Liman reprend pourtant le concept de "Un jour sans...

le 23 juin 2014

202 j'aime

31

World War Z
drélium
2

Brade pire.

Misérable. Pire film de zombies. Je m'attendais à rien et j'ai eu rien. J'ai même eu plus que rien, ou plutôt moins que rien. Il n'y a rien. Les seules scènes valables sont les trois moments...

le 5 juil. 2013

180 j'aime

66

Requiem pour un massacre
drélium
10

Va et regarde la guerre

Il y a peut-être un micro poil trop de gros plans de visages pétrifiés qui mettent en évidence un fond légèrement binaire comparé à d'autres œuvres plus ambigües et analytiques. Il n'est pas question...

le 27 avr. 2011

175 j'aime

18