Une journaliste allemande a eu la chance de passer une longue soirée avec Romy Schneider en 1976, ce qui, visiblement, continue à provoquer l'envie chez nombre de confrères, puisque ladite Romy n'accordait que très peu d'interviews et qu'elle a apparemment tenté de laisser tomber les masques à cette occasion. Patrick Jeudy cède un peu à sa fascination, et furète en compagnie de l'intervieweuse dans les bandes magnétiques et les souvenirs, à la rechercher d'une dimension qui aurait pu passer inaperçue à l'époque. Pourtant, tout semble avoir été dit. Il ressasse quelques poncifs (la solitude, la jeunesse soumise, le désir d'émancipation, etc.) et vise les zones les plus sombres de cette vie si exposée au demeurant : les sympathies fasciste de Maria, la mère, la manipulation malsaine à laquelle elle se livrera avec sa fille, et l'influence assez glauque du beau-père de Romy, qui plaide pour un pointage systématique des beaux-pères au commissariat tant ce type d'abus de confiance et de pouvoir semble fréquent. A chaque fois ou presque qu'on regarde un documentaire sur un artiste connu, on tremble d'effroi de découvrir que son enfance a été foulée au pied par un type mal dans son slip. C'est affligeant, et ça devrait nous amener à une réflexion plus collective sur cette bienveillance qui nous fait tellement défaut envers les faibles, dont les enfants et bien des artistes doués font partie, et qui contraste si cruellement avec ces flots d'amour factice qu'on leur déverse dessus. Comment justifier ces torrents de vénération tournés vers le haut quand dans le même temps chacun profite de son petit ascendant pour opprimer ce qui lui semble inférieur à lui ? C'est tout l'intérêt poignant de ce genre de documentaire et le réalisateur ne s'y est pas trompé, même si cela n'apporte rien de vraiment nouveau à nos affaires.