On ne rigole pas avec Alex Cheung.
Le film suit la traque de 3 cambrioleurs individualistes, dont un bigleux qui n'a pas toute sa tête, par un petit groupe de policiers soudés. Au jeu du qui tuera l'autre, les règles qui semblaient bien établies au départ vont finir par se brouiller via plusieurs paliers et trois scènes marquantes dont un final dans un couloir culte à souhait. Pas de fusillade à la John Woo, surtout pas. Le face à face n'a rien d'héroïque et c'est bien là tout le sel de la vision réaliste d'Alex Cheung. Le drame s'installe par petits instants.
Pour son premier film, le très respectable mais oublié Alex Cheung aborde déjà les incompatibilités entre la famille et le métier de flic et beaucoup plus secondairement l'histoire d'un homme qui perd pied. Il ira plus loin dans son second film, le culte "Man on the brink", avec l'infiltration à tendance schizophrénique d'un flic chez les truands et l'incidence sur sa position sociale et familiale. Ici pas de schizophrène, chacun a choisi son camp, la frontière est à priori claire. Ceci étant, personne n'a dit que ça allait être facile non plus. A l'heure où les truands sont prêts à tuer des flics pour récupérer simplement leurs flingues, la police confiante n'est peut-être pas aussi préparée que cela à l'apparition d'un vrai dingue de la gâchette.
Caché derrière L'Enfer des armes de Tsui Hark, Alex Cheung ne démérite pas et aborde le policier et le drame social avec la même noirceur sans effusion d'action. La mise en scène se veut quasi documentaire. A partir de l'image de générique d'un fils qui joue au jeu des gendarmes et des voleurs sur une chanson clamant la belle innocence de l'enfance, Alex Cheung va ausculter la place de ce même jeu chez les adultes. Sauf qu'à un moment on ne joue plus, on y laisse sa vie. L'image du jeune fils observateur en transversal est très importante. Il endosse fièrement le rôle du voleur lorsqu'il joue mais pour autant respecte infiniment la position de son père. Il se mangera cette dualité en pleine face lors de deux scènes éprouvantes où je n'aurais vraiment pas aimé être à la place du gamin...
La BO est bien choisie, avec quelques morceaux de la bibliothèque De Wolfe utilisés dans les Chang Cheh les plus noirs, en bonus un morceau de canto pop rock chanté par un nain (!) (toutes mes excuses à Teddy Robin Kwan qui est aussi compositeur de la bande son... mais il peut rentrer dans la liste des nains !...), et quelques passages electro early 80's qui ne dénoteraient même pas dans la BO de Drive lors de scènes de discothèque typiquement flashy dans le noir.
Un peu moins réussi que Man on the brink sur son volet social, plus plan-plan dans sa première partie, moins viscéral, Cops and Robbers monte en puissance et reste une fondation solide de la nouvelle vague HK, fort peu évidente à dénicher malheureusement...
Dommage aussi que les seuls sous-titres anglais ne soient pas toujours très bien adaptés au cantonais, en particulier les jeux de mots. On passe clairement à côté de la compréhension complète de certaines scènes intimes où les policiers se détendent.
Le cinéma d'Alex Cheung mériterait vraiment une bonne traduction tant la dimension sociale y prend une part importante.