Forcément, après avoir lu l'adaptation en BD par Dumontheuil, j'ai voulu voir celle en film par Le Quellec… reste que je n'ai toujours pas lu le livre original de Paasilinna et que, vu le temps que j'ai tendance à prendre pour lire un livre, que cela ne risque pas d'arriver de si tôt.
Malgré tout, le fait de ne pas avoir vu l'œuvre originale apporte quelque chose d'intéressant : comment les deux auteurs se sont appropriés l'œuvre originale ? Est-ce que je viens de voir deux fois la même chose ou bien y a-t-il des différences ?… et bah pour le coup, je dois bien avouer que je me suis retrouvé face à deux « produits » diamétralement opposés, presque en parfaite opposition. Ce qui renforce l'idée que je me fais du livre original, qui doit être probablement très riche.
M'enfin bref, 3615 my life, passons au film. Premiers trucs très sympa avec ce Cornelius, la photographie ainsi que les décors. C'est Sébastien Buchmann qui s'est occupé du premier point, et le seul film que j'ai vu jusque-là le concernant, Alice et le Maire (déjà avec Anaïs Demoustier), ne m'avait pas marqué à ce niveau-là. Faut dire aussi qu'on est forcément très avantagé niveau photographie quand on tourne dans les Alpes. Plus surprenant, on se rapproche beaucoup du western (quoique j'aurais aussi tendance à ajouter un soupçon de Midsommar par moment… m'enfin bon, ce dernier étant sorti un an après, ça ne compte pas) : Yann Le Quellec ne s'étant pas contenté de filmer bêtement les Alpes, mais se les étant appropriés. Il cite Sam Peckinpah comme l'une de ses principales inspirations et… encore une fois, pardonnez mon manque de culture, mais je n'ai vu aucun de ses films (faudrait vraiment que je regarde des films au lieu d'écrire des critiques nazes) : en tous cas, on sent l'influence américaine (à prendre dans le bon sens). Bref, on retrouve aussi certains codes comme l'utilisation du scope ou de la nuit américaine, et bien évidement certains costumes (même s'ils restent dans l'ensemble très coloré, exotiques), qui ne sont pas sans rappeler ceux de la période en question.
Autre qualité de ce Cornelius, le choix des acteurs : Anaïs Demoustier (🤎), Gustave Kervern et Denis Lavant qui vient faire coucou vite fait. Seul l'acteur principal, Bonaventure Gacon, est un inconnu au bataillon, le monsieur est un homme du cirque et du spectacle et non du cinéma : il est bien crédité en tant qu'acrobate dans Astérix & Obélix Contre César (je suis même allé vérifier le générique de fin), mais c'est tout. Ma foi, même si sa prestation ne m'a pas ébloui, il ne s'en sort pas trop mal. Moins qualitatif, le jeu des acteurs : pratiquement tout le monde est en surjeu, mais tous surjouent d'une manière différente. C'est assez bizarre à voir, surtout concernant les deux policiers, qui jouent, pour le coup, dans une autre galaxie. Il y a ce côté « je fais une voix de gogols pour essayer d'être drôle », et forcément, ça ne marche pas, ça fait un peu humour de YouTubeur (à prendre dans le mauvais sens cette fois-ci). Surtout qu'à côté, le film a un côté slapstick… et je ne suis pas particulièrement fan du slapstick, je crois que j'ai passé l'âge d'aimer ça. Quant au passage dans l'hôpital (tourné dans la forteresse de Salses), on a presque l'impression d'être devant un autre film tant ça n'a rien à voir en termes d’humour avec le reste du récit. En fait, le film a un humour très enfantin, mais vu certains passages, je n'irais pas juque le recommander à des enfants. Bref, j'ai vraiment du mal à comprendre ce que le réalisateur a tenté de faire à ce niveau-là tant ça n'apporte pas grand-chose, voir dessert l'œuvre. Bon après, revers de la médaille : c'est original.
Quoique, quand je dis que j'ai du mal à comprendre ce que le réalisateur a tenté de faire au niveau de l'humour et du (sur)jeu d'acteur, je parle un peu trop vite. En fait, tout ça est là pour servir un propos, ma foi un peu simpliste, qui est que, finalement, ce personnage principal, il n'est pas si fou que ça. Mouai, bon, pour le coup, ça, je ne sais pas si c'est un défaut de l'œuvre original (je suppose que oui, sinon ce serait bizarre de le retrouver dans deux de ses adaptations), mais c'était quelque chose que je reprochais déjà à l'adaptation en bande dessinée. Le rapport à la folie, même s'il reste l'un des principaux thèmes du récit, ç'a déjà été traité un tas de fois… et j'ai malheureusement vu ce sujet mieux traité ailleurs.
Surtout que Yann Le Quellec arrive à se montrer plus subtil par moment. Le fait que le personnage principal se détache de liens en début de film prouve que ce n'est pas la première fois qu'il se trouve face à un village récalcitrant. Puis le fait de jouer avec la hauteur, avec ce village paumé au fond d'une sorte de cuvette de montagnes, et ce Cornélius qui vient installer son moulin au-dessus d'eux, bah ça fonctionne : pas besoin d'appuyer dessus en permanence et de surappuyer dessus dans les dialogues pour que l'on comprenne.
Du coup, inutile de vous dire que, comme pour l'adaptation en bande dessinée, on retrouve des longueurs. Par contre, là où j'avais davantage tendance à critiquer le premier tiers de celle de Dumontheuil pour cela, j'aurais davantage tendance à critiquer la seconde moitié du film de Le Quellec (inutile de vous dire que je préfère la fin plus métaphorique de la BD non ?). Bon au moins, on s'épargne d'une fin mièvre à deux balles : le malheur, il n'y a que ça de vrai !… et mine de rien, Cornelius, le meunier hurlant a droit à son petit côté tragique.
Assez mitigé en somme. Pas un mauvais film, loin de là, mais plus classique que Yann Le Quellec a bien tenté de nous le faire croire. J'aime bien l'introduction du film ceci, donc au pire, vous pouvez toujours commencer le visionnage et l'abandonner si ça commence à vous ennuyer. De toute façon, au pire, vous serez toujours ravie d'entendre la voix d'Iggy Pop… non ?