Un exercice de style presque par définition, avec ses singularités, ses bons points, ses limitations qui fluctuent au gré des sensibilités. Personnellement je me suis senti un peu étranger au délire, comme placé à distance d'un délire qui ne m'a pas beaucoup atteint. Il y a dans "Corner Office" un degré de minimalisme et d'abstraction qui rend le film particulièrement clivant, selon qu'on adhère ou non au concept. D'entrée de jeu, on regarde Jon Hamm débarquer dans un bureau aseptisé et générique d'une société dont on ne connaîtra aucun des objectifs, symbole d'un rythme bureaucrate, et devra faire face à la manifestation d'absurdités diverses caractéristiques ou allégoriques du monde du travail et de la vie d'entreprise. La vocation à la généralisation est assez sommaire et à ce titre pourra ne parler à pas grand-monde, moi le style m'a un peu rebuté et la parabole kafkaïenne (qui ne résume pas tout le propos du film mais qui reste quand même un support conséquent) m'a paru très déjà vue et vite répétitive, limitée. La petite touche d'originalité propre au premier long-métrage de Joachim Back, c'est que le protagoniste et nouvel employé découvre une pièce secrète — un bureau dont le luxe et les teintes boisées tranches avec le bleu artificiel des open spaces — dont la porte d'entrée située dans un couloir semble invisible aux yeux de tous. Porte d'entrée de l'absurde dans le film également, puisqu'un tabou naît de cette révélation, un interdit au sujet de quelque chose que les autres employés et supérieurs ne voient pas. C'est le point de départ de la satire au cœur du film qui s'amuse à visualiser l'aliénation au travail sous un angle original, bizarre, abstrait (un peu trop à mon goût sans doute). Au-delà de ce postulat bizarre, le film sait rester relativement sobre et creuser son petit bout de terrain avec abnégation, préservant à ce titre une ambiance d'étrangeté maîtrisée. Il faut accepter beaucoup de partis pris, à l'origine de la dimension non-réaliste des conditions de travail : on est dans un cinéma du ressenti, d'ambiance, avec ses quelques clichés, et non de la cohérence et du terre-à-terre, uniquement là pour illustrer de manière légèrement surréaliste la part de corvée dans un emploi de bureau. J'aurais bien aimé voir la veine ayant trait au conformisme et au sentiment de supériorité virant à la folie davantage creusée.