CORPS ET ÂME (16) (Ildiko Enyedi, Hon, 2017, 118min) :


Cette singulière romance nous plonge dans un abattoir de vaches, où un directeur financier d'âge mûr, infirme du bras gauche, est attiré par la nouvelle contrôleuse qualité de l'entreprise au comportement étrange. Retour en grâce d'Ildiko Enyedi dont la trajectoire s'était perdue faute d'apports financiers suffisant en Hongrie pour tourner de magnifiques histoire comme elle avait su nous envoûter avec son premier long métrage Mon XXe siècle, justement récompensé par la caméra d'or au Festival de Cannes de 1989. La réalisatrice revient avec les honneurs (Ours d'or au festival de Berlin) par le biais de cette fable subtile, faite de rêverie animale sur deux êtres handicapés de la vie qui vont trouver un point commun étrange les unissant de manière particulière, et dont ils vont tenter de retranscrire au quotidien de manière plus concrète au sein de leur existence. Écran noir, bruissements puis un plan de forêt sous la neige présentant une biche et un cerf à la recherche de nourriture, puis entamant une étreinte douce et câline, avant que la séquence suivante présente un troupeau de vaches prêtes à être tuer, le décor est planté ! A la fois brutal et froid, comme l'abattage mécanique des bêtes pour nourrir l'homme, le comportement maladroit du directeur financier dû à son handicap physique et la psychorigidité à la limite de l'autisme de la jeune femme remplaçante contrastant de façon juxtaposée avec des scènes poétiques inclues dans leur rêve respectif. Discordant, comme la vie...La cinéaste pour mieux souligner l'isolement psychologique de ses personnages privilégie judicieusement les plans fixes, les sur-cadrages où la profondeur de champ est souvent restreinte. Une rigoureuse mise en scène épurée et précise, parfois onirique et naturaliste, pour décliner par petites touches un scénario original et sensible privilégiant les moments de silence où les mains parlent mieux que la bouche pour une délicate mise à nu des sentiments amoureux. La narration lente traînant quelques fois en longueur bien aidée par des surprenantes ruptures de tons salutaires et par un visuel absolument superbe. Un long métrage profondément humain qui emporte insidieusement nos âmes à mesure que l'héroïne s'ouvre au monde vers des contrées intimes dont elle ne s'était jamais aventurer avant cette rencontre. Ici les images fluides ont le pouvoir d'illuminer les vies sinistres et hyperréglementées, comme celle du cerf et de la biche...Une ouverture douloureuse à l'autre, pour mieux panser ses blessures. Une allégorie pointant également le monde du travail, ses compromissions et interroge encore sur la façon dont sont traités les animaux pour subvenir aux besoins alimentaires d'humains carnivores. Une splendide métaphore du droit d'aimer, de la différence, qui prend son temps et s'appuie sur deux interprètes magnifiques : l'attachant Géza Morcsányi et la fragile et émouvante Alexandra Borbély dont son visage s'irradiant au fil de son épanouissement restera longtemps gravé comme l'une des plus belles émotions et révélations cinématographiques de l'année 2017 ! En se concentrant sur ce duo en apprentissage du savoir aimer, la cinéaste occulte un peu ses personnages secondaires, n'étant là que pour donner le change dans certaines situations...Néanmoins, la partition délicate des maux accompagnée par la délicate chanson What he wrote de Laura Marling, délivrée par Ildiko Enyedi chavire pas son émotion enfouie sous la neige, avant que le soleil de l'amour vienne faire fondre les incertitudes et relie les cœurs au-delà des songes. Venez confrontez vos blessures en vous ouvrant au bonheur de découvrir l'émouvant Corps et âme. Envoûtant. Poétique. Vibrant. Bouleversant.

seb2046
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le 26 oct. 2017

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