Coup de Foudre a la violence d’un choc électrique entre deux énergies contraintes de cohabiter dans les années 50 : le masculin d’une part, terriblement routinier et jaloux, le féminin de l’autre, libertaire et sans concessions. S’oppose ainsi le clownesque tragique de l’homme – voir Bacri se produire sur les planches ne déclenche que l’hilarité, de même qu’un Marchand dont l’amour pour ses filles l’invite à inventer bon nombre de jeux – à la sensibilité contenue et froide de la femme-artiste qui n’hésite pas à tout sacrifier pour vivre sa passion. Très déstabilisant parce qu’il insère la violence sourde d’un déchirement dans le cadre banal de deux couples normaux, le film refuse toute justification extérieure à l’amour, suit ses protagonistes réunis par le hasard des circonstances puis désunis par nécessité intérieure. Sa grande honnêteté le pousse à ne pas idéaliser Lena ni à diaboliser Michel ; ce refus de dramatisation excessive évite ainsi le manichéisme, appuie davantage l’aspect critique sociale d’une époque étouffant les individus. Personnage le plus intéressant de Coup de Foudre, Michel Korski – brillamment interprété par Guy Marchand – atteste l’incapacité à vivre heureux dans un patriarcat qu’il n’a pas choisi mais qu’il se contente d’appliquer sans se poser de question, et non sans tendresse, pour « avoir la paix ». Dans la ligne de mire de Kurys, donc, l’Histoire. Cette Histoire qui déporta jadis des familles entières pour les isoler dans des camps, qui enferme désormais les femmes et les hommes dans des rôles où la passion ne perce jamais. Le fameux coup de foudre induit par le titre apparaît comme une façon de court-circuiter le carcan sociétal et de rétablir la vérité sur la nature des sentiments : de ce mariage blanc, nul amour n’a vu le jour (Lena n’a jamais joui, selon ses propres dires), et du mariage arrangé pour consoler un chagrin, guère davantage. Coup de Foudre revient aux fondements de la passion amoureuse et refuse l’arrangement, le troc des sentiments. Dans la douleur vive, il rend la liberté à des personnes qui n’ont jamais appris à prendre le risque d’être elles-mêmes.

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le 9 août 2019

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