"On n'est pas dans un film où le mari psychopathe poursuit sa femme dans leur maison !" prévient le personnage d'Anthony LaPaglia. Et il a raison, la principale force de "Couple Modèle" (et de la nouvelle "Bon Ménage" de Stephen King dont il est adapté) n'est pas d'offrir un traitement banal de thriller lambda à cette histoire où une femme découvre la nature de serial killer de son propre mari après des années de mariage mais de s'attacher de manière pragmatique aux conséquences du choc de cette révélation et des questionnements qui en découlent.
Même s'il entretient un brin de mystère, le film établit très vite la véritable nature de Bob Anderson et pose avant tout son regard sur sa femme Darcy. Pour le bien de ses enfants, peut-elle continuer à vivre avec lui comme si de rien n'était ? Entre paranoïa constante et intimité de façade pour maintenir l'unité de ce couple modèle aux yeux de tous, le film décrit l'évolution de cette femme trahie de la plus sordide des manières et qui va être amenée à naviguer dans les mêmes eaux sombres que son mari afin de s'en sortir.
En choisissant de privilégier le basculement de ce personnage au détriment de toute action qui l'aurait amené sur le terrain d'un banal affrontement domestique comme des téléfilms en proposent à la dizaine, "Couple Modèle" s'aliénera sans doute une partie du public par sa lenteur mais même ceux qui seront séduits (et on l'est) par cette approche privilégiant l'étude de caractère de ses protagonistes et leur confrontation psychologique pertinente feront également face à un long-métrage déchiré entre l'excellence de sa distribution et l'extrême platitude de sa mise en scène.
En effet, si la trop rare Joan Allen offre une prestation de haute volée en totale adéquation avec l'intelligence de l'angle de traitement choisi (n'oublions pas aussi de mentionner un Anthony LaPaglia parfait d'ambivalence entre la froideur du tueur soumis à ses pulsions et la chaleur de la figure maritale/parentale modèle), la pauvreté de la réalisation du vétéran Peter Askin dessert complètement l'ambition du long-métrage en le faisant justement ressembler à un téléfilm de piètre facture. Datant pourtant de 2014, "Couple Modèle" donne visuellement l'impression d'avoir été produit à la fin des années 90 ! Même les rares tentatives pour offrir une retranscription formelle des états d'âme des personnages à l'écran ne débouchent que sur des artifices tombés depuis longtemps en désuétude. On aurait pu comprendre un certain classicisme dans le but de faire ressentir la vie faussement ordinaire de ce couple dans leur petite banlieue tranquille mais, à ce stade d'absence de prise de risques, il devient impossible d'y voir autre chose qu'une mise en scène dépassée depuis belle lurette, indigente et ne rendant jamais justice au propos du film.
Vraiment dommage car, sans pour autant devenir un incontournable, "Couple Modèle" avait toutes les cartes en main pour représenter une très bonne proposition alternative à ce type d'intrigue dont on croit tout connaître. À cause d'un Peter Askin ayant plus une toile d'araignée le reliant à sa caméra qu'une vraie vision, la forme vieillotte du film le fera sûrement sombrer très vite dans les abysses de l'oubli. Cette histoire et ces acteurs méritaient un bien meilleur réalisateur...