mai 2012:

J'ai pour Yves Robert plus que de l'affection, une admiration dont les bornes sont un peu floues. Bien entendu, le diptyque quadras de l'éléphant au paradis fait figure d'Everest indépassable, néanmoins j'osai croire que "Courage fuyons" pouvait se faufiler à une belle place dans le classement des films intimes de Robert et je pense ne pas m'être trompé.

Vu quand j'étais marmot, j'en avais pas gardé un souvenir impérissable, si ce n'est ce gag d'un Jean Rochefort faisant de grands gestes menaçants devant un homme à qui il demande un renseignement banal pour faire croire à Catherine Deneuve qu'il le tance comme elle venait de lui en faire la demande. Les premières minutes faisant la présentation du "complexe" de ce personnage lâche, infoutu d'affronter le danger sous toutes ses formes sont hilarantes.

Mais j'ai craint quelques temps que le tableau ne finisse par être trop chargé et les scènes trop répétitives à la longue. La lassitude née de ce mono-gag était un écueil massif que Jean-Loup Dabadie et Yves Robert ont su éviter avec maestria en densifiant davantage les personnages.

Et c'est ce qui me charme le plus dans ce cinéma, cette écriture à la fois drôle et touchante, c'est que le lâche n'est pas seulement comique mais se teinte de tragique, préférant maladivement éluder le conflit jusqu'à ne plus vivre réellement. Quand il feint l'amnésie afin d'éviter sa femme, son désamour, ses colères et la mort, il s'enterre dans une existence tronquée et prend des allures de héros romantique dont le ridicule donne une étrange et poétique couleur. Et pour nous, de découvrir un être inédit, produisant une émotion surprenante, entre rires et larmes.

Mais ces indices de pathos ne dépassent jamais la légèreté de tonalité qu'Yves Robert installe de bout en bout de sa filmographie. Vous noterez en effet que les personnages de ses films s'imaginent toujours victimes d'un monde hostile et se protègent vainement contre des vents qu'ils croient contraires, avec le regard vide des êtres démunis face au sort.

Qui, en France, pouvait mieux que Jean Rochefort pouvait incarner un tel archétype de personnage? Avec son air de cocker triste, cette allure un brin guindée, ces yeux bleus rêveurs?
Face à lui, Catherine Deneuve joue une femme joliment insaisissable, ce moderne amalgame de femme offensive et fragile, un rôle en chair, bien en chair, délicieuse bourrasque de cheveux blonds.

Pas le meilleur d'Yves Robert mais indiscutablement intelligent, le film fait partie d'une même famille, accueillante, légère et souriante avec ce petit brin de voix mélancolique qui relie à la vraie vie.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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