Cracks, c'est un film que je n'aurais jamais dû voir. La faute à des critiques très mitigées de la presse française et une visibilité extrêmement restreinte, sans doute y a t-il une relation de cause à effet.
Mais voilà, c'était un dimanche fort maussade et j'écumais les listes de Sens Critique à la recherche du film qui ferait mon bonheur ce soir là. Aimant tout particulièrement les films anglais, je lance une recherche sur le sujet et Cracks revient plusieurs fois, l'air de rien. L'histoire de jeunes filles fascinées par leur professeur de natation située dans un austère internat anglais au beau milieu des années 30 me faisait miroiter un potentiel de dépaysement, de mystère - et de vintage qui m'ont convaincue de me laisser séduire par le film.
Avertie par les critiques je ne m'attendais donc pas à un chef d'œuvre - et soyons clairs ça n'en est pas un - mais le début du film n'a fait que me plonger encore un peu plus dans le scepticisme. A ma grande déception je voyais toutes les caractéristiques du téléfilm amélioré se profiler à l'horizon (réalisation soignée mais désespérément académique, jeu d'acteur inégal, histoire casse gueule qui se casse la gueule).
Et puis... quelques plans magnifiques ont changé la donne, notamment lors des scènes d'extérieur près du lac. Parce que le film possède une vraie qualité esthétique, qu' Excessif a d'ailleurs comparée à tort à une pub Dior. Alors oui, c'est extrêmement léché (lissé?), les costumes sont choisis avec minutie, les décors sont old school à souhait mais il me semble que c'est aussi l'objectif du film, et pas seulement un choix gratuit, parce que c'est bien de faire beau. Ces éléments fabriquent l'atmosphère surréaliste propice au développement de cette relation érotico-ambigüe entre Miss G et ses élèves. Ils nous propulsent hors du temps, on flotte dans ce pensionnat autour de ses habitant(e)s et des drames qui se jouent sous la surface.
Et d'abord, quand je regarde un film, je préfère nettement qu'il soit trop beau plutôt qu'affreusement laid.
Les actrices sont également bien filmées, on sent un léger avantage donné à Maria Valverde et à son personnage de princesse aristocrate fragile. La manière dont elle est filmée, avec délicatesse, participe à création d'une fascination qui va marquer Cracks : celle du spectateur pour le film, celle de Di pour Miss G, celle du pensionnat entier pour Fiamma, la nouvelle venue. Mais c'est peut-être Eva Green qui obtient le rôle le plus intéressant, qui va se dévoiler et évoluer le plus au fil des 1h44 qu'on passe en sa compagnie, incarnant une femme vénéneuse et vulnérable. J'ai regretté parfois que la finesse de la psychologie de ce personnage ne soit pas mieux exploitée et qu'elle ne se retrouve pas dans les personnages des élèves qui manquent beaucoup de profondeur en comparaison. Un certain manque de subtilité dans le traitement des relations entre les personnages, voilà la critique principale que je pourrais faire à Cracks mais ce défaut est éclipsé par l'atmosphère totalement réussie que le film déploie.
Alors tu l'auras compris, Cracks j'ai aimé, et si t'aimes les films anglais avec une putain d'atmosphère, tu vas aimer aussi.