Apatow a-t-il un style ?
On reproche souvent au réalisateur un style de mise en scène conformiste très proche du téléfilm voir d'une Sitcom. C'est vrai, la mise en scène d'Apatow est invisible, dans le sens où elle se fait le relais de l'acteur qui est le véritable centre d'attention de la caméra et donc du cinéaste.
L’énergie du cinéma d'Apatow part donc de l'acteur. La mise en scène le met en valeur, l'englobe et le montage n'est alors utilisé que comme un accessoire narratif pour créer des ellipses temporelles à l'image des inévitables Montage sequence musicales, symptomatiques du cinéma contemporain et plus encore de la comédie dramatique.
Les films d'Apatow sont longs et la plupart des scènes s'étirent dans le temps comme pour retranscrire cette impression théâtral du ici et maintenant. Une illusion du réel à peine secouée par quelques raccords dans le champ. Pas question pour le cinéaste de faire du plan séquence, cela serait trop voyant ! Pour autant, le déplacement des acteurs dans le cadre, l'interaction des corps peuvent être très intéressants chez Apatow. Ce sont ces éléments qui viennent sublimer la grande qualité des dialogues et confèrent à ses films ce timing si particulier. Ces situations du quotidien, qu'ils retranscrit si bien à l'écrit, cette mise en scène de l'étirement du temps, cette préférence naturelle pour le plan-moyen définissent son style et expriment le talent d'observation du cinéaste, sa capacité à capturer ce qui fait le sel de la communication entre les êtres. Ces détails infimes se retrouvent grossis à l'écran et participent à faire de ses personnages des êtres à la fois grotesques et pourtant vraisemblables, humains.
Oui Apatow à un style, il greffe à des structures narratives hollywoodiennes éculées des instants du réel désacralisés, dédramatisés par un cadre sobre qui laisse à des acteurs talentueux le temps de de "performer", de fusionner avec un texte souvent écrit pour eux, par eux ou avec eux.
La comédie c'est du rythme, et Apatow a le sien.
Apatow est-il un moraliste ?
Oui la famille est le point central du cinéma d'Apatow en tant que réalisateur. Doit-on pour le coup le considérer comme un cinéaste conservateur ? Je pense qu'Apatow ne parle que de se qu'il connait, de ce qu'il a observé ou vécu. Si ce n'était pas le cas, l'essence même de son cinéma, ce fameux "rythme" en serai dénaturé. Il me semble évident qu'Apatow écrit sur le couple, l'amour, l'engagement, le mariage, le temps qui passe, seulement parce que ces questions l’obsède au quotidien, comme nous tous. L'art est la meilleur des thérapies...
Certes, ses structures scénaristiques aboutissent le plus souvent à des capitulations devant la monogamie et le conformisme mais il y a toujours un combat, une hésitation, une remise en question avant l'acceptation. Son cinéma ne prend pas partie pour le conformisme, il pose plutôt la question : les personnages que je présente ont-ils vraiment le choix de devenir conformistes, n'est-ce pas notre destin à tous à mesure que le temps passe ?
Chez Apatow, grandir c'est tendre inéluctablement vers un conformiste qu"on ne peut qu'essayer d'accepter, et d'en tirer le meilleur.
On retiendra surtout que son cinéma n'est pas cynique, chose rare quand on regarde la concurrence dans la comédie de mœurs actuelle. C'est cru, vulgaire, satirique, hyper-référencé, puéril mais jamais cynique. Apatow aime ses personnages, il prend des risques avec, les met autant dans situations gagesques que vraiment dramatiques et assume volontiers un premier degré que beaucoup n'osent à peine effleurer de peur de perdre leur coolitude distanciée.
Il n'y à qu'à voir Crazy Amy son dernier film : à la fois anti-comédie romantique et pure comédie romantique !
Dans une séquence d'une rare poésie du Dingo d'Hollywood où Jerry Lewis communique étrangement avec les objets d'une réserve d'accessoires, une étrange marionnette apparaît soudainement pour nous rappeler qu'au cinéma, pour croire en un personnage, il faut l'aimer.
Apatow croit en ses personnages, il les aime, nous aussi.