Rien n’est assez extravagant pour les milliardaires de CRAZY RICH ASIANS

Rien n’est trop brillant pour les 1% de la richesse mondiale. Tout est trop aveuglant pour ceux qui ne font pas partie de cette élite.


On commence à regarder ce film pour se changer les idées devant une énième version de Roméo et Juliette. On le continue à cause de l’extravagance de l’élite singapourienne. CRAZY RICH ASIANS raconte la relation amoureuse de Rachel Chu, une professeure d’économie américaine lambda, et de Nick Young, un héritier singapourien plus que fortuné qui lui a caché sa richesse. En acceptant de l’accompagner au mariage de leurs amis, la jeune femme va se retrouver dans la fosse aux lions, tiraillée entre rivalités amoureuses et choc des cultures.


Le monde qu’elle intègre est celui du pays au Merlion. C’est notamment à travers cette caractéristique que CRAZY RICH ASIANS s’est tout d’abord distingué. En offrant un casting 100% asiatique, en faisant appel à des créateurs de mode et de joaillerie régionaux (Michelle One, Shiatzy Chen) et faisant apparaître de nombreuses références à la culture locale (mah-jong, dumplings…), le film se distingue dès le départ des autres comédies romantiques hollywoodiennes et s’inscrit plus dans la lignée de In the Mood for Love.


CRAZY RICH ASIANS éblouit par son étalage de richesse et d’objets plus somptueux les uns que les autres. Tout est tellement too much et extravagant que l’on ne peut s’empêcher de penser au Gatsby de Baz Lhurmann. Mais au-delà de cette incursion dans la vie des riches aussi intrusive que Keeping Up With the Kardashians, le film arrose les germes d’une réflexion sur l’argent et les différences entre les vieilles fortunes (famille de Nick Young), les nouveaux riches (famille de Peik Lin) et les nantis (la famille de Rachel Wu). Afin de s’intégrer dans le monde du premier groupe, les deux derniers se voient dans l’obligation d’adopter matériellement et culturellement les formes de la vie sociale des classes supérieures (Spencer et Simmer, La Dialectique de l’imitation et de la distinction). Avec plus ou moins de bon goût comme l’illustre la décoration mi-rococo, mi-Trump de la famille de Peik Lin.


C’est également pour cette raison que l’héroïne va avoir droit à la classique (et tant attendue) scène de relooking. S’il est nécessaire d’être proche d’un individu pour s’inviter dans son foyer afin d’attester de sa richesse par le biais de la décoration de son intérieur, la manière de s’habiller extériorise souvent l’échelle sociale et le patrimoine d’une personne. Ainsi, la mode permet de définir une identité sociale et de s’inscrire, ou non, dans un groupe. Rachel Wu sera donc très rapidement habillée par sa meilleure amie et le cousin de Nick Young qui lui apprendra les us et les coutumes des 1% de la richesse mondiale. Au-revoir les jupes plissées de professeur, bonjour Gucci et Giambattista Valli.


L’originalité de CRAZY RICH ASIANS réside donc dans sa manière de représenter les nantis et les riches. Une perception certes classique mais qui permet de mieux comprendre la psychologie de certains personnages. De plus, alors que l’argent est souvent vu comme la source de hiérarchies et de conflits, il apparaît également comme libérateur. C’est notamment le cas des boucles d’oreilles en pierres précieuses d’Astrid Young Teo (Gemma Chan) qui se démarquent au milieu de cet étalage de richesses. Si la jeune femme souhaitait cacher de son compagnon ses biens et sa fortune, en somme de les marques de son succès, la relation qu’elle développe envers ces boucles incarne l’émancipation que peut procurer la richesse.


Cependant, cette émancipation, Rachel Wu ne va pas seulement la trouver dans la richesse. De même que Nick Young ou Astrid. La clé de leur liberté, ils vont la trouver en revendiquant leurs choix, leurs idéaux et leurs réussites qu’elles soient professionnelles (Astrid) ou familiales (Rachel). Cette dernière est par ailleurs une héroïne rafraichissante, qui contrairement à de nombreuses femmes de comédies romantiques n’est pas représentée comme une loque mais comme un personnage ayant une relation saine avec son petit-ami, une famille présente dans sa vie, une carrière prometteuse et ne cherche en aucun cas à s’accomplir par le biais du mariage ou de ses relations. Un des bémols se trouve donc dans la représentation de ce fameux Nick Young qui manque peut-être un peu d’autonomie et d’initiative à la fin du film mais laissons-lui le bénéfice du doute, peut-être avait-il simplement besoin de plus de temps de réflexion.


CRAZY RICH ASIANS s’ouvre sur une partie de poker entre Rachel Chu (Constance Wu) et un de ses élèves qu’elle bat avec une leçon qui se tissera tout au long du film : “Il [l’élève, ndlr] ne jouait pas pour gagner, il jouait pour ne pas perdre.” En effet, l’héroïne, tout comme de nombreux autres personnages, ne jouent pas pour gagner mais pour protéger leurs acquis et pour ne pas perdre quelque chose qui leur était précieux : un compagnon, une liberté, un héritier…


Si CRAZY RICH ASIANS ne promet rien de révolutionnaire du côté de l’intrigue sentimentale, il offre malgré tout des scènes spectaculaires à l’instar de celles de l’enterrement de vie de garçon ou du mariage pour ne citer qu’elles. Le film reste un excellent divertissement, ponctué de réparties bien trouvées et avec la présence d’Awkwafina, assurant un bon moment malgré le scénario prévisible.


Sarah Cerange


https://www.leblogducinema.com/critiques/critiques-films/rien-nest-assez-extravagant-pour-les-milliardaires-de-crazy-rich-asians-critique-873270/

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le 10 déc. 2018

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